HomeCommuniquéLa famille du défenseur de l’environnement mexicain assassiné demande l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada

La famille du défenseur de l’environnement mexicain assassiné demande l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada

(Ottawa) La famille du défenseur mexicain de l’environnement assassiné, Mariano Abarca, espère que la Cour suprême du Canada ouvrira la voie à une enquête du commissaire à l’intégrité du secteur public sur l’ambassade du Canada au Mexique.  Ce sera la première fois que le très décrié système de dénonciation du Canada sera examiné par la plus haute cour.

Mariano a été tué par balle en 2009 après s’être prononcé contre les impacts sociaux et environnementaux d’une mine de barytine canadienne dans sa ville natale de Chicomuselo, au Chiapas. La société Blackfire Exploration, basée à Calgary, a ouvert sa mine au Chiapas en 2007. Dès le début, elle a fait appel à l’ambassade du Canada et a reçu une aide importante de sa part.  Elle a notamment envoyé une délégation de haut niveau au bureau du gouverneur du Chiapas pour faire pression sur les autorités de l’État afin qu’elles protègent l’entreprise et répriment les protestations, tout en sachant que Mariano recevait des menaces de la part d’employés de l’entreprise et que des policiers en civil avaient agi sur la base d’une plainte de l’entreprise pour arrêter et détenir Mariano pendant huit jours. Sept semaines plus tard, Mariano a été assassiné en plein jour devant son restaurant.

Estimant que le soutien inconditionnel de l’ambassade canadienne à Blackfire mettait Mariano encore plus en danger, la famille de ce dernier a déposé une plainte en vertu de la loi canadienne sur les lanceurs d’alerte en 2018. Le commissaire à l’intégrité du secteur public (CISP), dont la responsabilité est d’examiner les plaintes des dénonciateurs et d’assurer la confiance dans le service public, s’est vu offrir près de 1000 pages de preuves provenant d’une demande d’accès à l’information, documentant les actions de l’ambassade. Le commissaire a refusé d’accepter, et encore moins de lire, ces preuves, mais a néanmoins décidé de ne pas ouvrir d’enquête.

En février dernier, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du commissaire en se fondant en grande partie sur un simple détail technique. Selon le juge, comme la communication de l’accès à l’information était citée dans des notes de bas de page et n’était pas remise physiquement au commissaire, celui-ci n’avait aucune obligation de les lire. Deuxièmement, en utilisant une logique similaire, la cour a refusé de prendre en considération les arguments de trois parties intervenantes dans l’affaire, notamment sur les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne et sur l’importance du fait que le CISP soit un bureau accessible au public, parce que ces arguments n’avaient pas été présentés au commissaire à l’origine.

L’approche du commissaire mettra encore plus d’obstacles sur le chemin des dénonciateurs. Le Canada a déjà été classé comme le pire des 62 pays en matière de protection des dénonciateurs dans une étude menée par le Government Accountability Project de Washington et l’Association internationale du barreau au Royaume-Uni.

« Le processus de dénonciation des actes répréhensibles commis par des fonctionnaires est censé être informel et accessible », a déclaré Nicholas Pope, l’un des avocats qui ont déposé la demande d’autorisation d’appel le 6 avril. « Mais maintenant, elle est rigide et formaliste et ne fera que décourager davantage les gens de se manifester. Dans ce cas, le résultat final est que les actes et omissions de l’ambassade canadienne qui ont pu contribuer au meurtre d’un défenseur des droits humains n’ont fait l’objet d’aucune enquête. »

« On nous refuse notre droit de connaître la vérité sur les pressions exercées par l’ambassade du Canada sur les autorités mexicaines et sur la façon dont cela a pu jouer un rôle dans le meurtre brutal de mon père », déclare Jose Luis Abarca, l’un des quatre enfants de Mariano. « Nous savons que rien ne ramènera mon père, mais nous voulons que le Canada prenne des mesures significatives pour empêcher que cela ne se reproduise à l’avenir. »

La pertinence de cette affaire pour la politique étrangère canadienne est indéniable pour Gustavo Castro, membre d’Otros Mundos Chiapas, qui a travaillé avec Mariano avant son assassinat et continue de soutenir la famille :

« Une enquête dans cette affaire ouvrirait les portes à une réflexion sérieuse sur la façon dont les fonctionnaires étrangers canadiens soutiennent sans entrave les entreprises canadiennes au détriment des personnes et de l’environnement au Mexique et dans d’autres parties du monde. Nous pensons que c’est la raison pour laquelle une enquête a été refusée jusqu’à présent et nous espérons vraiment que la Cour suprême du Canada verra son importance considérable et donnera l’occasion de la faire avancer. »

Source: Miningwatch

Photo. Otros mundos Chiapas AC