Paso de la Reina, Mexique

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Le projet

Depuis 1966, la Commission fédérale de l’électricité du Mexique (Comisión Federal de Electricidad – CFE) a mené plusieurs études sur les rives et dans le lit du Río Verde, dans la Sierra Sur et sur les côtes de l’état de Oaxaca.1  Ces recherches visaient entre autres à déterminer le potentiel hydroélectrique de cette région2.

Dès la mi-février 2006, la CFE a commencé à visiter les communautés pour leur présenter le projet «Exploitation hydraulique d’usages multiples Paso de la Reina». Toutefois, ce document ne révèle qu’une partie du projet dont l’investissement prévu est de 600 millions US$. D’une puissance de 990 MW, avec un mur de 195 mètres de long, le barrage inondera une superficie de 31 km2.

En fait, il est évalué que le barrage aura un impact sur 3 100 hectares peuplés par 6 municipalités et 15 communautés de la côte de Oaxaca. Ces communautés sont composées de populations autochtones et paysannes Mixtecas, Chatinas et afro-descendantes. Le total des personnes déplacées s’élèverait à 25 000 personnes. Si ce projet est réalisé, il en résulterait un déséquilibre écologique irréversible.

Manque de transparence

Depuis le début, les promoteurs du projet font preuve d’un manque de transparence dans les informations qu’elles fournissent concernant le projet. En outre, les études de la CFE ne sont pas réalisées dans les langues maternelles des communautés. Les communautés n’ont donc pas accès à une information appropriée et précise qui leur permette de rendre une décision éclairée et d’évaluer la nécessité immédiate ou non d’un tel projet.

On constate une violation constante des droits humains, du droit à la consultation et à la participation, du droit au consentement préalable, libre et informé et du droit à l’autodétermination des communautés qui vont être affectées par la construction du barrage.

En fait, la CFE :

  • Ne respecte pas les instances internes de prise de décision des communautés;
  • N’informe que des bénéfices à tirer d’un barrage hydroélectrique et non des inconvénients ;
  • Manipule l’information de façon à rendre le projet attrayant ;
  • Fait miroiter l’accès aux programmes d’aide financière pour masquer les pertes socioéconomiques réelles ;
  • Utilise l’intimidation (incluant l’agression) contre les communautés.

Opposition populaire

COPUDEVER

En réaction à ce projet, des forums informatifs ont eu lieu en 2007, 2008 et 2009 dans la région du Río Verde sous la bannière de «Por la Defensa del Agua, el Territorio y el Desarollo de los Pueblos Indígenas» (Pour la défense de l’eau, du territoire et du développement des peuples autochtones)3.

De ces rencontres est né, le 9 juin 2007, le Conseil des Peuples unis pour la Défense du Río Verde (COPUDEVER – Consejo de Pueblos Unidos por la Defensa del Río Verde). Ce conseil est composé de représentants des communautés touchées par le projet qui s’organisent régionalement pour défendre leur territoire, l’eau et les ressources naturelles par l’organisation communautaire, juridique et politique.

Le Conseil et les communautés mènent des actions d’information du public et de défense juridique. Leur objectif est d’informer les communautés des conséquences entrainées par la construction d’un barrage, et de partager l’expérience d’autres communautés à propos de la construction ou de l’interdiction de construction de barrages.

Ils ont fait appel aux instances impliquées dans le projet «Paso de la Reina», sans que leur demande ne soit jusqu’à présent entendue. Le manque de réponse de la part du Président Felipe Calderón Hinojosa démontre que le gouvernement  mexicain n’est pas réceptif aux besoins des peuples autochtones ni respectueux de leurs droits.4

Déclarations

De ces forums émanent quatre déclarations qui demandent essentiellement aux gouvernements fédéral et de l’État que soit respecté le droit des peuples autochtones de refuser le projet, sans pressions ni menaces qui pourraient diviser et gêner les communautés.

La base de ces déclarations est la suivante :

«Nous sommes les propriétaires légitimes des terres, gardiens de l’eau, des plantes, des animaux, et nous avons le droit à la terre et à l’eau, et à ce que nos enfants grandissent sainement. (…) Nous sommes unis à deux luttes, la défense de l’eau, de la terre et du territoire et cette alliance nous donnera la force.»5

En sommes, le but de cette lutte est d’éviter la destruction de la nature, le déplacement forcé de communautés et la disparition de la vie culturelle des peuples, car la modification du cours d’une rivière a des impacts importants sur la vie des hommes et femmes vivant sur ses rives et sur l’écosystème.

Alliances

Le COPUDEVER et le CECOP, le Conseil des Ejidos et des Communautés opposées au barrage de La Parota (Consejo de Ejidos y Comunidades Opositores a la Presa La Parota) ont signé une déclaration conjointement.

Cette déclaration affirme le refus des mégaprojets de la CFE et du gouvernement fédéral, qui ont maintes fois imposé la construction de barrages hydroélectriques, de mines, de routes, ainsi que la privatisation de l’eau aux populations locales.

De plus, du 5 au 7 février 2010 a eu lieu, dans la communauté de Paso de la Reina, le 7ème colloque du Mouvement mexicain des victimes des barrages et de la défense des rivières (MAPDER).  Le Conseil des peuples unis pour la défense du Río Verde (COPUDEVER), La Ventana, EDUCA et le Centre des droits humains Ñu’u Ji Kandii ont été les hôtes des organisations autochtones, rurales et sociales, des réseaux, des chercheurs et autres alliéEs pour la lutte contre les barrages dans le pays.  En tout, plus de 300 personnes se sont présentées dans cette communauté qui est menacée d’expropriation.6

Annulation de l’autorisation donnée à la CFE

Le 27 juillet 2010, à Tataltepec de Valdés, les membres du COPUDEVER et le président de la Commission des territoires communaux de Paso de la Reina ont annoncé la révocation et l’annulation de l’autorisation accordée à la CFE pour la réalisation du projet. Cette autorisation, écrite le 27 juin 2007, donnait la permission à la CFE et à d’autres départements d’état de mener des études sur le territoire.7

Toutefois, la CFE a ignoré cette opposition des populations autochtones et maintient sa décision d’aller de l’avant avec la construction du barrage dans les terres communales situées sur les rives du Río Verde jusque dans l’isthme de Oaxaca.  Et ce malgré le fait que les populations s’étaient déjà mobilisées et avaient manifesté pour arrêter les premiers ouvriers sur le site.

Manifestation ‘¡No a la Presa !’

Le 4 décembre 2009, une grande marche de protestation contre le projet  « Barrage à usages multiples et de réservoir de Paso de la Reina » a eu lieu dans la communauté de Jamiltepec.  Des milliers de personnes sont descendues dans la rue, issues d’au moins 22 communautés de la côte d’Oaxaca, jointes par des professeurs du syndicat de l’enseignement du secteur de Pinotepa (section 22).8

Des centaines d’affiches étaient brandies, dénonçant le projet, réclamant le respect des populations et prônant la défense de la Terre et de l’eau. Des femmes affichaient des slogans peints en noir sur leurs vêtements blanc dénonçant la CFE et le gouvernement.  Les marcheurs ont fait un arrêt devant les bureaux de la CFE et ont bloqué l’accès au bâtiment.

Cette marche est le résultat de l’alliance de plusieurs communautés dans la lutte contre les mégaprojets, parce que ces derniers sont de plus en plus nombreux, menés par les intérêts du gouvernement et des corporations transnationales.

Après la suspension temporaire de la construction des barrages Arcediano et La Parota9, et même si la lutte doit être menée jusqu’à l’annulation complète des projets, il est possible de croire à une victoire la lutte contre la réalisation du projet Paso de la Reina.

Vers une annulation du projet?

En octobre 2010, le barrage a obtenu la lettre de non-objection du projet, et son fonctionnement effectif était alors prévu pour 2018. Mais le 14 avril 2011, le projet de Paso de la Reina a été remis en question par le directeur général de la CFE, Alfredo Elías Ayub, dans sa réévaluation complète du Programme d’Œuvres et d’Investissements dans le Secteur Électrique. Avec la secrétaire de l’Énergie, Georgina Kessel, la CFE va penser à un « plan B » dans le cas de la suspension du projet, voir son annulation, pour des raisons techniques et financières (le complexe hydroélectrique est d’une technicité complexe et demande beaucoup d’investissement d’argent).

Le 7 avril 2011, la communauté « Paso de la Reina » a reçu le prix national des droits humains « Sergio Mendez Arceo » dans la catégorie « Groupe ou organisation ». Sergio Mendez Arceo est connu en Amérique latine comme « le patriarche de la solidarité ». Le jury, composé de 31 organismes citoyens, a reconnu la lutte de cette communauté pour la défense de son territoire. La remise du prix a eu lieu le 7 mai 2011 dans la Cathédrale de Cuernavaca Morelos.

Des membres du COPUDEVER (Conseil des Peuples Unis pour la Défense du Rio Verde) se sont entretenus le 17 juin 2011 avec le Rapporteur spécial des Nations unies pour le Droit a l’alimentation, Olivier de Schutter. Ils lui ont remis un rapport intitulé « Le droit a l’alimentation dans l’économie indigène, piscicole et paysanne face au projet hydroélectrique Paso de la Reina, dans l’état de Oaxaca, Mexique », dans lequel ils déplorent notamment que la construction du barrage affecte le mode vie basé sur la pêche et l’agriculture des peuples noirs installés à l’embouchure du Rio Verde. Le rapporteur spécial a déclaré que dans l’élaboration de ce projet, « la population n’a pas été consultée et n’a pas été informée de ses impacts ».

Le Segob – secrétariat du gouvernement – a publié le 7 juillet 2011 au Journal Officiel de la Fédération mexicaine un accord qui établit les bases du mécanisme de protection des défenseurs des droits humains en cas de situation à risque, de menace ou de vulnérabilité, afin qu’ils puissent mener à bien leur travail de promotion et de défense des droits humains. Les mesures administratives à mettre en place pour assurer cette protection seront décidées par le Segob, par le sous-secrétariat aux Affaires juridiques et aux droits humains, et par le responsable de l’Unité pour la promotion et la défense des droits humains.

Le 9 juillet 2011 s’est tenue l’Assemblée régionale de la côte de Oaxaca contre le projet hydroélectrique Paso de la Reina, qui a rassemblé plus 30 communautés venues de 12 municipalités. Les participants ont exigé du gouverneur Gabino Cué Monteagudo qu’il se positionne contre le projet hydroélectrique et qu’il réponde à la demande d’audience des communautés faite le 5 décembre 2010. Ils rejettent le projet dans sa totalité, comme ils l’avaient fait le 28 novembre 2008.

Les enjeux en bref

Population affectée par le barrage :

  • 6 municipalités de l’état de Oaxaca affectées : Jamiltepec, Tataltepec de  Valdés, Santiago Tetepec, Santa  Cruz Zezontepec, Santiago Ixtayutla,  Santa Cruz Zenzontepec de Melchor Ocampo;
  • Plus de 30 communautés autour du Rio Verde;
  • Plus de 40 000 habitants.

Impacts sur le territoire :

  • Innondation des 3 100 hectares que couvrent les 6 municipalités ;
  • Perturbation de la réserve écologique «El Parque nacional Lagunas de Chacahua»:  dévastation de mangroves, lacs, espèces en voie d’extinction;
  • Destruction des cultures de café.

Les acteurs

Contre le projet :

Organisations de droits humains, dont:

  • Educa
  • Tierra del Sol
  • Consejo de Pueblos Unidos por la Defensa del Rio Verde (COPUDEVER)
  • Mouvement mexicain des victimes des barrages et de la défense des rivières (MAPDER)
  • La Ventana
  • Centre des droits humains Ñu’u Ji Kandii

Pour le projet :

  • Gouvernement fédéral
  • Gouvernement de l’état de Oaxaca
  • Comision Federal de Electricidad (CFE)

1. Angélica Castro Rodríguez, « Peuples unis pour la défense du Río Verde », in Caminando, Vol. 27, No 2, Avril 2009, p.11.

2. Sipaz, « Oaxaca : Hydroelectric Dam Project « Paso de la Reina » », 3 octobre. 2008.

http://sipazen.wordpress.com/2008/10/03/oaxaca-hydroelectric-dam-project-paso-de-la-reina/

3. Habitat international Coalition (HIC) America Latina, « VI foro por la Defensa del Agua, el Territorio y el Desarollo de los Pueblos indígenas ».

http://www.hic-al.org/documento.cfm?id_documento=1197

4. COPUDEVER, « Que es Copudever ».

http://pasodelareina.org/index.php?option=com_content&view=article&id=49:que-es-copudever&catid=39:copudever

5. « Somos los legítimos dueños de las tierras, guardianes del agua, plantas, animales y tenemos el derecho a la tierra y agua, y a que nuestros hijos crezcan sanamente. (…) Estamos hermanando dos luchas, la defensa del agua, tierra y territorio, esta alianza nos dará fuerza ».

6. CDHAL, « VII COLLOQUE DU MAPDER : Victoires de plus en plus grandes dans la lutte contre les barrages au Mexique.

http://cdhal.org/fr/communiques/vii-colloque-du-mapder-victoires-de-plus-en-plus-grandes-dans-la-lutte-contre-les

7. Sipaz, « Oaxaca : Assembly cancel authorization given to CFE in the « Paso de la Reina » project », publié le 31 juillet 2009.

http://sipazen.wordpress.com/2009/07/31/oaxaca-assambly-cancel-the-authorization-given-to-cfe-in-“paso-de-la-reina”-project/

8. CASA, « Thousands March in the Oaxacan Coast to Reject the  Paso de la Reina Dam », no 67/68, janvier/février 2009.

http://www.casacollective.org/story/issue-6768-januaryfebruary-2009/thousands-march-oaxacan-coast-reject-paso-de-la-reina-damn

9. MAPDER, « Festejando victorias y de cara al III Encuentro internacional contra las Presas », publié sur le site du COPUDEVER le 9 février 2010.

http://pasodelareina.org/index.php?option=com_content&view=article&id=82:declaratoria-vii-encuentro-del-movimiento-de-afectados-por-las-presas-y-represas-en-mexico-y-en-defensa-de-los-rios-mapder&catid=35:declaratorias&Itemid=55