HomeNouvellesAffaire du Diario Militar: Le bureau du procureur présente les documents saisis à la résidence d’un officier militaire à la retraire

Affaire du Diario Militar: Le bureau du procureur présente les documents saisis à la résidence d’un officier militaire à la retraire

Traduit par Romain Roche, membre des actions urgentes, CDHAL

Le Bureau du Procureur des Droits Humains du Ministère Public (MP) a présenté les preuves recueillies depuis 2006 dans le cadre d’une enquête approfondie. Il a souligné le rôle clé des Renseignements Militaires dans les opérations répertoriées du Diario Militar, en lien avec les entités accusées d’avoir commis des crimes contre l’humanité, des disparitions forcées, des meurtres et des tentatives de meurtre.

Le Bureau du Procureur a expliqué que le cadre conceptuel de l’enquête inclut des plans militaires et le contexte historique, comme la catégorie  » ennemi interne  » qui apparaît dans le Manuel de Guerre Contre-Subversive. Parmi les plans militaires présentés figurent le Manuel de renseignement de combat, le Plan Victoria 82, le Plan Firmeza 83 et le Plan de sécurité nationale et de développement. 

Selon la Doctrine de sécurité nationale, dans le cadre de la guerre froide, les personnes identifiées comme communistes étaient considérées comme des « ennemis internes » et également celles qui, « sans être communistes, tentaient de briser l’ordre établi », tout comme les syndicalistes, les membres de la famille des militant.e.s, leurs partenaires et leurs enfants, ou des organisations telles que le Groupe de soutien mutuel (GAM) ou Amnistie Internationale.

Le ministère public a mentionné que dans son enquête, des éléments permettant de déterminer les responsabilités de chacun des accusés et une analyse experte des structures de la police sont fournis. Un rapport d’expertise de l’historien Marc Drouin montrant le schéma des disparitions depuis 1966 a également été présenté.

Le contexte historique est celui du gouvernement de facto du général Oscar Humberto Mejía Víctores, durant lequel des disparitions et de graves violations des droits humains, telles que celles décrites dans le « Dossier de la Mort », furent commises. Les Conventions de Genève contiennent une série de principes selon lesquels les autorités ont l’obligation de soumettre les personnes qui ont déposé les armes à une autorité judiciaire compétente et de ne pas commettre les graves violations enregistrées dans le Diario Militar. 

De plus, le Bureau du Procureur a présenté comme preuve des documents saisis lors des descentes au domicile de Gustavo Adolfo Oliva Blanco, ancien chef du Département d’investigations techniques (DIT). Ces documents originaux contiennent des informations qui témoignent du suivi et du catalogage du Parti du travail du Guatemala (PGT) en tant qu’ennemi interne de 1969 à 1984. L’une des techniques d’extermination était la disparition forcée de personnes. La première disparition forcée massive de membres du PGT a été commise en 1966. 

Au cours de la présentation, on a pu voir l’annexe des services de renseignement de 1984, qui relate le fonctionnement interne du PGT, dans laquelle ils se vantent des infiltrations et du démembrement du PGT en 1983. 

Le rapport d’expertise présenté par Kate Doyle mentionne deux institutions de renseignement militaire qui étaient prédominantes : le  » G2  » et l’unité connue sous le nom de  » El Archivo « , qui ont tous deux joué un rôle central dans les opérations de surveillance, les détentions, la torture, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions et les attentats à la bombe. 

Le MP a également présenté les éléments de conviction relatifs au Modus Operandi et au Plan commun dans le cadre desquels fonctionnaient les structures clandestines et illégales auxquelles appartenaient les accusés. Il a mis en évidence des pratiques telles que le recours au « panel blanc », des interrogatoires tactiques par la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants, y compris des violences sexuelles à l’encontre des femmes en raison de leur genre, et la création de fichiers personnels tels que le Diario Militar, dans lequel les personnes sont cataloguées comme des ennemis internes. 

D’autres pratiques étaient le contrôle des communications et la surveillance préalablement à la capture, la détention dans des prisons clandestines, les raids sur les résidences de personnes désignées comme des ennemis intérieurs par un groupe de quatre à douze individus armés, généralement habillés en civil, qui s’identifiaient comme des membres du DIT, des Brigades de réactions et d’opérations spéciales (BROE) ou de l’armée guatémaltèque, se déplaçant dans des voitures aux vitres teintées. 

Au cours des raids, des actes de torture sur des membres de la famille pour leur extorquer des informations sont répertoriés, comme dans le cas de la famille Muralles Paz, où un traitement cruel, humiliant et dégradant a été constaté sur deux enfants, qui furent jetés contre le mur. 

Le Bureau du Procureur a évoqué les réseaux de renseignement clandestins, dans lesquels des personnes classées comme ennemis intérieurs étaient incluses, étaient soumises à la torture lors des interrogatoires et détenues dans des prisons clandestines afin d’être exploitées comme sources d’information. En plus, ils ont été transportés dans des voitures pour identifier d’autres membres désignés comme des ennemis internes. Les victimes survivantes et les membres des entités accusées confirment le transfert des personnes capturées vers des centres de détention clandestins tels que le DIT et l’ancienne école polytechnique. 

Ces structures clandestines ont tué de manière extrajudiciaire des personnes au cours d’interrogatoires, à l’aide de méthodes de torture extrêmes, lors d’opérations de capture ou lorsque ces personnes tentaient de s’échapper. 

Selon le MP, le cas du Diario Militar illustre bien la disparition forcée au Guatemala pendant le Conflit armé interne, en expliquant que les plans de renseignement ont été étendus à tout le territoire national, reproduisant des traitements cruels et inhumains, des détentions illégales et des disparitions forcées, ce qui a entraîné la disparition de plus de 45 000 personnes détenues. 

Le juge Miguel Ángel Gálvez a ajourné l’audience et a convoqué les parties au procès pour le jeudi 31 mars à 8h30.

 

Source texte et photo: Caso Diario Militar