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Belo Monte sera le troisième plus grand barrage du monde, après les Trois Gorges en Chine et Itaipu à la frontière brésilo-paraguayenne. Il sera mis en service en 2014 et, à pleine puissance, injectera 11 000 MW dans le réseau électrique brésilien. Edifié en pleine Amazonie, sur le Rio Xingu, c’est un mastodonte de trop pour les écologistes, « une réalisation indispensable pour l’environnement » rétorquent les initiateurs.
Sur place, la population est divisée, quoique plutôt favorable. Pour une fois, la discussion se fait sur des arguments moins tranchés qu’habituellement dans ce genre de dossier.
Antonio Muniz Lopes, président d’Electrobras, a le sentiment de revenir de loin. Voilà 20 ans qu’il se bat pour Belo Monte. Il a même failli recevoir un coup de poignard d’un indien lors d’une audience de discussion publique. Mais il a enfin obtenu le feu vert de l’Institut brésilien de l’Environnement, l’IBAMA, un laissez-passer indispensable pour lancer enfin les appels d’offre. Certes, il y a 40 conditions impératives à remplir, dont le coût additionnel est estimé à 1,5 milliards de R$ (900 millions de CHF / 600 millions d’euros).
Une usine au fil de l’eau, pour limiter l’impact sur l’environnement…
Prétendre que Belo Monte ne laissera pas de traces serait absurde. On n’édifie pas un tel ouvrage sans que cela se voie ! Mais la technologie choisie permet de limiter le réservoir de retenue à 550 km2, une surface légèrement plus petite que celle du Lac Léman, nettement inférieure à celle du barrage d’Itaipu (1 342km2), pour une puissance à peine moindre (11 200 MW contre 14 000 MW), ou de Tucurui voisin (réservoir : 2 450 km2, capacité : 8 000 MW).
Pour en arriver là, deux canaux de dérivation seront creusés. Il faudra pour cela remuer un volume de terre supérieur à celui du canal de Panama ! Grâce à cette conception, la régulation des eaux de la rivière Xingu permettra de réduire à 16 000 le nombre de personnes vivant dans les zones inondées et qui devront être déplacées. « Des populations pauvres qui habitent des cabanes sur pilotis précaires, envahies par les eaux lors des crues. Leur situation va nettement s’améliorer après leur déménagement », précisent les concepteurs du projet.
… Mais une usine implantée au bout de nulle part.
C’est le reproche majeur fait au barrage par les écologistes. Marcelo Furtado, directeur de Greenpeace Brésil, fustige le fait que les utilisateurs du courant produit par Belo Monte vivent à 5 000 km plus au sud. « Cela représente une perte considérable d’énergie dans la transmission et multiplie les risques de panne électrique géante. Ce modèle de production, vieux de 30 ans, est dépassé. Le Brésil devrait au contraire multiplier les petites usines de proximité et diversifier ses sources d’énergie avec la biomasse et le solaire.
Réponse d’Antonio Muniz Lopes : le site a été particulièrement bien choisi car la rivière Xingu connaît les crues en avril-mai, justement quand les cours d’eau du sud du pays, où se concentrent la plupart des usines hydroélectrique ont un faible débit. « Il y aura donc un mécanisme de compensation qui permettra de fournir assez d’énergie pendant cette période d’étiage. On évitera ainsi la mise en route des centrales thermiques de réserve, qui fonctionne au pétrole, énergie chère et polluante ».
Une population divisée mais plutôt bienveillante.
Reste que le chantier de Belo Monte se situe à 5 heures d’avion-taxi de la ville la plus proche, Altamira. Aucune route n’y conduit et le déplacement en pleine forêt de 18 000 ouvriers pour la construction ne va pas aller de soi. Reste aussi que le barrage va réduire le débit des eaux, ce qui pourrait avoir des conséquences pour la pêche dans deux réserves indigènes touchées par le projet. « Aucun indien ne sera déplacé », jure Electrobras qui promet de limiter la baisse de volume du Rio Xingu à 2 000 m2/seconde, « bien moins que les 800 m2/seconde qui s’écoulent normale en période sèche ». Sauf que ce sera durant une période bien plus longue !
Des garanties insuffisantes pour Don Erwin Krauter, évêque d’Altamira et président du Conseil Indigéniste Missionnaire : « Belo Monte est une démonstration d’autoritarisme anti-démocratique, tonne-t-il. Les audiences publiques ont toutes été centralisées à Altamira, il n’y en a eu que 4 et elles n’ont jamais permis de prendre en compte le point de vue des indiens. C’est contre la loi, on va continuer à se battre ».
Il n’est pas appuyé, dans sa croisade, par la totalité de ses fidèles. Un observateur, qui veut garder l’anonymat par précaution, prétend même qu’un sondage circule sous le manteau à Altamira. Il révèlerait que la majorité des 100 000 habitants de la ville est favorable au barrage. Il est vrai qu’à la clé, 80 000 emplois indirects devraient être créés par les travaux dans la région!