Proyecto Río Blanco

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Contexte général

Le projet Río Blanco mené par la compagnie Río Blanco Copper (anciennement Minera Majaz) se situe dans la zone proche de la frontière avec l’Équateur (le fleuve Río Blanco délimitant la frontière) dans les provinces de Huancabamba et Ayabaca, et plus précisément sur des terres appartenant à des communautés paysannes de Yanta et Segunda y Cajas. Il s’agit d’un projet de mine à ciel ouvert qui couvre près de 6 472 hectares mais qui aurait vocation à s’étendre dans le cadre d’un « district minier » étant donné la richesse des sols de la région et la présence d’autres projets situés dans la même zone (côté Pérou et côté Equateur).

Province de Piura au Pérou
Source: http://www.congreso.gob.pe/congresista/2001/jperalta/piura/PIURA%20EN%20CIFRAS.htm

Concessions minières octroyées dans le département de Piura.
Source : http://173.201.231.144/index.php?option=com_igallery&view=gallery&id=12&Itemid=122

Acteurs principaux

Les compagnies minières

Le projet Río Blanco a connu un processus long et complexe de changement de propriétaire., car diverses compagnies ont successivement acheté et vendu une partie ou la totalité de leurs parts à d’autres compagnies. En voici les phases les plus significatives :

Le cas du Río Blanco remonte à 1994 lorsque la compagnie minière australienne Newcrest Mining découvre des dépôts de cuivre et de molybdène par un travail de reconnaissance dans la région. La compagnie vend ensuite une participation sur ses droits en 1996 à la compagnie états-unienne Cyprus Amax, ce qui marque le début d’un processus de vente et d’acquisition entre plusieurs compagnies.

En 2000, l’entreprise canadienne Gitennes Exploration Inc. fait l’acquisition des actions péruviennes de Newcrest, et en 2003 elle offre une participation au projet Río Blanco à la compagnie britannique Monterrico Metals. Juste après l’obtention des résultats du programme initial de perforation, Monterrico négocie l’acquisition de 100% du projet Río Blanco. Celle-ci opère maintenant exclusivement au Pérou avec sept projets en cours. Actuellement, le projet Río Blanco est le plus important et le plus avancé[fn]Peru Support Group, , Informe delegación, 2007, “Mineria y Desarollo en el Perú, con especial referencia al proyecto Río Blanco, Piura”, p4.[/fn] .

Río Blanco Copper (ex-Minera Majaz) était la filiale péruvienne de Monterrico Metals jusqu’en 2007, date à laquelle elle fut en partie rachetée par le consortium chinois Zijin Mining Group Co. Ltd., qui a acheté 89,9% des actions de Monterrico Metals. Peu après, le consortium chinois s’est détaché de 10% de ses parts pour les céder à la fonderie coréenne LS Nikko Co. Le consortium Zijin s’est accaparé de 80% des actions, mais les Anglais maintiennent un pourcentage minoritaire.

Le Peru Support Group est une organisation indépendante basée à Londres dont le but est de soutenir les populations péruviennes et plus particulièrement les plus pauvres. En 2007, une délégation indépendante de chercheurs et journalistes coordonnée par le Peru Support Group a écrit un rapport sur le cas du Río Blanco dans le cadre d’une analyse plus complète du lien entre mines et développement. Le rapport du Peru Support Group énumère un certain nombre d’arguments avancés par ceux qui soutiennent l’installation d’une compagnie minière; une partie des arguments est avancées par l’entreprise Monterrico Metals sur son site internet. Le rapport distingue une série d’opportunités économiques[fn] Peru Support Group, Informe delegación, 2007, “Mineria y Desarollo en el Perú, con especial referencia al proyecto Río Blanco, Piura”. p 45.[/fn] :
•Les exportations de minerais génèrent des devises : l’exportation de minerais peut constituer un avantage si l’échange se fait dans une monnaie forte comme le dollar ou l’euro. Ces devises peuvent ensuite être revendues et générer des bénéfices. L’exportation de matières premières est néanmoins très dépendante des fluctuations des devises.
•La redevance minière – ou royalties : il s’agit d’un paiement réalisé par l’entreprise à l’Etat pour l’exploitation de ses ressources naturelles.

Le rapport distingue encore une série d’arguments avancés à propos d’opportunités économiques directes et indirectes créées par l’implantation de la compagnie minière dans la région où elle opère :
•La création d’emplois directs durant la phase de construction;
•La création d’emplois directs durant la phase opérationnelle;
•Les bénéfices économiques créés par les programmes de responsabilité sociale et le développement communautaire des entreprises;
•Les effets multiplicateurs dans l’économie locale;
•Les bénéfices économiques liés aux infrastructures (surtout routières) construites pour que la mine puisse être opérationnelle.

Bien sûr, ces arguments sont accompagnés de limites, comme par exemple le fait que l’emploi créé pour les populations locales soit souvent un emploi peu qualifié, les ingénieurs et les employeurs qualifiés venant d’autres régions car les populations locales ne disposent pas forcément des qualifications nécessaires à ces postes.

Les communautés paysannes de Yanta et Segunda y Cajas

Le projet se situe sur des terres appartenant à deux communautés paysannes : Segunda y Cajas et Yanta. Elles sont utilisées par ces communautés pour les pâturages ou comme terres de réserve. Ces communautés sont des entités légalement reconnues qui s’auto-gouvernent. Elles élisent leurs propres autorités qui sont responsables devant l’Assemblée communale, soit l’organisme qui prend les décisions[fn]Peru Support Group, Informe delegación, 2007, “Mineria y Desarollo en el Perú, con especial referencia al proyecto Río Blanco, Piura”, p 21.[/fn]

Communautés de Segunda y Cajas et Yanta.
Source : http://www.factortierra.net/network/factortierra/chira/oroyagua/factortierra_microsoft_monterrico_mapa2.jpg

Le Ministère de l’Energie et des Mines (MINEM)

Selon le Peru Support Group, étant donné l’importance du secteur minier au Pérou, le MINEM est devenu un ministère puissant : « la législation et les normes ont été faites de telle façon qu’elles ont accentué ce pouvoir. Ainsi, toutes les décisions concernant le développement et l’approbation de projets miniers se fait à l’intérieur du MINEM »[fn]Peru Support Group, Informe delegación, 2007, “Mineria y Desarollo en el Perú, con especial referencia al proyecto Río Blanco, Piura”, p8.[/fn] . Les fonctions du MINEM créent un conflit d’intérêt en son sein. En effet, le rôle du MINEM est de promouvoir l’investissement minier mais aussi de le freiner si l’activité minière crée des dommages environnementaux et sociaux. Dans le cadre du projet Río Blanco, ce conflit d’intérêt est apparu au grand jour.

Le réseau Muqui

Le réseau Muqui est un réseau d’institutions nationales et locales qui cherchent à promouvoir le développement durable et à défendre les droits de la communauté et des populations des zones d’influence minière ou métallurgique. Le réseau :
•Mène des enquêtes et des études qui aboutissent à des propositions ;
•Formule et promeut des propositions politiques et normatives ;
•Conçoit et exécute des stratégies de communication ;
•Appuie et conseille des cas emblématiques ;
•Surveille les politiques publiques et les politiques corporatives ;
•Accompagne les communautés dans leurs processus de dialogue et surveille le respect des compromis des entreprises minières par rapport à ces communautés.

Dans le cadre du conflit avec l’entreprise minière Minera Majaz, le réseau Muqui a appuyé et fédéré les opposants à ce projet. Ils administrent le site web d’information sur le conflit : www.todosobrerioblanco.com

Le Front d’Unité de la Communauté de Segunda y Cajas (FUCSC)

Le FUCSC, de son acronyme en espagnol « Frente de Unidad de la Comunidad de Segunda y Cajas », s’est formé le 11 décembre 2007 à la suite du référendum organisé le 16 septembre de la même année dans la juridiction des communautés de Segunda Y Cajas et Yanta, où la position contraire au projet de l’entreprise Minera Majaz a largement gagné. Le Front s’est formé avec l’appui de 300 citoyens, dont moins d’une dizaine sont des membres de la communauté paysanne de Segunda Y Cajas. Ce groupe est en faveur du projet minier bien que son nom ne le laisse pas suggérer. C’est cette organisation qui a déposé une plainte en 2008 contre un certain nombre de militants anti-mines des communautés de Segunda y Cajas.

Développement du projet

Les travaux d’exploration du site par l’entreprise Minera Majaz se sont étalés entre novembre 2003 et novembre 2006. En 2003, le MINEM a approuvé l’Évaluation environnementale présentée par Minera Majaz, document qui spécifie comment l’entreprise va gérer les impacts environnementaux et sociaux de la phase d’exploration. L’approbation du document permet en général de passer de la phase d’exploration à la phase d’exploitation. L’entreprise, sur son site web, informe que le début de la phase d’exploitation est prévu pour 2011.

Forage à Río Blanco durant la phase d’exploration

Source: http://www.monterrico.co.uk/i/photos/Drilling-at-Rio-Blanco.jpg

Problèmes principaux

Le projet minier Río Blanco présente un certain nombre de problèmes tant au niveau de la légalité qu’au niveau des impacts environnementaux et sociaux qu’il pourrait causer.

Une présence illégale de la compagnie Minera Majaz sur les terres communales

À partir du moment où la compagnie minière a installé son campement et débuté ses travaux d’exploration en 2002, les communautés locales ont commencé à protester et à dénoncer la présence illégale de la compagnie sur leurs terres. Dès lors, les dirigeants de la compagnie ont présenté un ensemble de documents en leur possession[fn]Voir les annexes du document Primer informe de conflictos de Piura, p29 à 101. http://www.todosobrerioblanco.com/index.php?option=com_content&task=blogsection&id=32&Itemid=61 [/fn] , documents qui selon eux remplissaient les exigences de la législation en vigueur.

Aucun des documents ne remplissaient les pré-requis exigés par la Loi n°26505, Loi de Promotion de l’Investissement Privé dans le cadre du développement des activités économiques sur des terres du territoire national et des communautés paysannes.

Le Décret Suprême n°038-98-EM établit que la réalisation d’activités minières d’exploration requiert l’accord préalable du propriétaire. L’article 11 de la Loi n°26505 souligne le fait que les communautés paysannes autochtones pourront disposer, taxer, louer ou exercer quelque acte sur les terres communales uniquement avec l’accord de l’Assemblée communale et avec le vote des deux tiers de tous les membres de la communauté.

Cela signifie que n’importe quelle activité effectuée sur les terres communales nécessite l’accord préalable de l’Assemblée communale, voté par les deux tiers de tous les membres de la communauté. Ce n’était pas le cas pour l’entreprise Minera Majaz, car il n’y a pas eu de consultation préalable des communautés et parce que les documents présentés par l’entreprise ne remplissaient pas les exigences de la législation en vigueur[fn]Primer informe de conflictos de Piura, p 4. http://www.todosobrerioblanco.com/index.php?option=com_content&task=blogsection&id=32&Itemid=61 [/fn] .

Le droit à la participation informée

Le droit à la participation informée est la faculté des citoyens à pouvoir intervenir dans les affaires qui affectent les personnes ou leurs communautés. Durant le processus d’Évaluation de l’impact environnemental et social (EIES) de la phase d’exploration par la compagnie Minera Majaz, les citoyens des communautés affectées ont estimé que ce droit avait été bafoué, étant donné le vice que présentait l’EIES. Selon la Defensoría del Pueblo, pour que ce droit puisse s’exercer les citoyens doivent avoir accès à une information opportune, précise et complète afin de se former une opinion et de participer de manière informée[fn]La Defensoría del Pueblo est un organe constitutionnel autonome de l’Etat qui a pour mission la défense des droits constitutionnels et fondamentaux de la personne et de la communauté, la supervision de l’exécution des devoirs de l’administration étatique et la prestation adéquate de services publiques à la communauté en accord avec l’Article 162 de la Constitution Politique du Pérou et l’Article1er de la Loi Organique de la Defensoría del Pueblo, Loi n°26520. « INFORME No 001 -2006/ASPMA-MA », p 2., www.todosobremajaz.com/INFORME%20DEFESORIAL%20-%20MAJAZ.pdf [/fn].

Or le 7 février 2003, le MINEM a publié un texte comportant une erreur sur le lieu où devait se dérouler les travaux d’exploration, à savoir « dans le district de Huarmaca, province de Huancabamba, département de Piura »[fn] « INFORME No 001 -2006/ASPMA-MA », p 21. www.todosobremajaz.com/INFORME%20DEFESORIAL%20-%20MAJAZ.pdf [/fn] . Le district de Huarmaca ne se trouve pas dans le département de Piura. Le MINEM a reconnu son erreur et l’a rectifiée mais a considéré que le droit à la participation citoyenne informée n’avait pas été affecté par cette erreur, car la population était au courant du processus administratif de l’évaluation environnementale.

La Defensoría del Pueblo n’était pas de cet avis, elle estime qu’on a empêché que le droit de participation informée s’exerce car :
•Le nom de la région à laquelle s’appliquait l’Évaluation environnementale était erroné ;
•La divulgation s’est faite à travers des journaux auxquels peu de citoyens concernés pouvaient avoir accès ;
•Le MINEM a demandé que les commentaires et observations soient envoyés à Lima, or une partie de ces populations est souvent analphabète ou illettrée, et n’est pas à même de couvrir les frais qu’engendreraient ces envois.

L’impact environnemental du projet

Les concessions allouées à la compagnie se situent dans un écosystème fragile avec une grande biodiversité, et les activités d’une mine à ciel ouvert pourraient mettre en péril cet écosystème.

La zone du projet se situe au cœur d’une vaste étendue de forêt – la dernière grande étendue de forêts humides du département de Piura. Ces forêts ont une grande valeur en soi pour leur diversité et contiennent des éléments rares de la flore et de la faune au Pérou. La plus grande valeur de cette fôret réside dans le fait qu’elle lie le Sanctuaire National de Tabaconas Namballe et les aires protégées équatoriennes qui s’étendent jusqu’à la frontière, formant ainsi ce qu’on appelle un « couloir biologique », qui sert principalement à des espèces protégées qui ont besoin de grands espaces. Une grande opération minière à ciel ouvert au milieu de cette forêt représenterait une menace pour la survie du dit couloir[fn]http://es.oxfamamerica.org/noticias/noticias/peru_majaz_impactos_ambientales[/fn] .

Site où les concessions ont été allouées

Source: http://www.catapa.be/nl/node/77

Le projet minier représente une menace pour la quantité et la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine : les déchets toxiques qui résultent du processus de séparation des minerais de la terre, ainsi que le déboisement massif, produits de l’exploitation minière, pourraient générer un drainage d’eau acide qui contaminerait le fleuve Chinchipe, affectant les activités agricoles des districts de Cajamarca. Le ravin se situant en dessous de la nappe phréatique, cette eau devrait être pompée et serait contaminée par les eaux acides de la mine. Avec les précipitations il existe un haut risque que l’eau s’infiltre à travers les déchets toxiques et contamine les sols et les fleuves.

Conséquences sociales

La présence de la compagnie Minera Majaz a provoqué un sentiment d’angoisse parmi la population dû au manque de transparence dans les agissements de l’entreprise tout comme aux actes de violence desquels elle est à l’origine. L’entreprise s’est constituée une base sociale d’appui, qui est aussi passé par la constitution d’organisations parallèles comme le Frente de Unidad de la Comunidad de Segunda y Cajas (FUCSC), fragilisant ainsi la cohésion sociale locale. Le conflit avec l’entreprise minière s’est répercuté négativement sur les institutions et les organisations de la région tout comme à l’intérieur des familles, provoquant des divisions[fn]www.todosobremajaz.com/pdfs/TripticoMAJAZ.pdf [/fn] .

Mouvement, répression et impact sur les droits humains

Mobilisation et tentatives de dialogue

Depuis le début des travaux d’exploration en 2003, les communautés paysannes n’ont cessé de dénoncer l’occupation illégale des terres par la compagnie.

Durant le processus d’Évaluation environnementale, la compagnie a présenté un certain nombre de documents pour montrer qu’elle avait l’accord des propriétaires pour mener ses activités. Lors de l’Assemblée communale du 18 mai 2003, la communauté paysanne de Segunda y Cajas a décidé de ne permettre aucune activité minière sur le territoire communal. Quant à la communauté de Yanta, elle a procédé de la même manière dans sa propre Assemblée communale du 10 janvier 2004. Ces décisions ont été présentées au Ministère de l’Energie et des Mines (MINEM), au Ministère de l’Intérieur et à l’entreprise Minera Majaz, demandant également le départ de la compagnie minière.

Le 22 avril 2004, n’ayant pas eu de réponse sur la question du départ de la compagnie, les communautés et les rondes paysannes[fn]« Les rondes paysannes constituent l’une des institutions principales du monde rural péruvien. Pensées à l’origine comme des structures communautaires d’auto-défense, elles contribuent aujourd’hui au maintien des traditions andines d’organisations collectives ainsi qu’à la diffusion et à la défense de concepts plus modernes tels que la démocratie et les droits de l’homme. » http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-6.html[/fn] , avec l’appui de leurs maires, réalisèrent une manifestation jusqu’au campement de l’entreprise situé sur la colline de Sargento Henry’s Hill afin d’interpeller ses dirigeants.

La police a répondu violemment, occasionnant la mort d’un membre de la ronde paysanne, Reemberto Herrera Racho[fn] Primer informe de conflictos de Piura, p 8. http://www.todosobrerioblanco.com/index.php?option=com_content&task=blogsection&id=32&Itemid=61 [/fn]. Le 22 et 28 février 2007, les communautés paysannes de Yanta et Segunda y Cajas ont présenté au Ministère Public une plainte contre des fonctionnaires de Minera Majaz S.A. pour délit d’usurpation de terres. Le 8 mai 2007, une inspection fiscale a été réalisée dans le campement de Río Blanco et pour le cas de Yanta, une plainte a été déposée de 8 novembre 2007.

Marche de ronderos à Ayacaba contre le projet minier

Source: http://gua30.files.wordpress.com/2008/09/ayabaca-marcha-ronderos-no-majaz-043.JPG

Dans un article de la revue Caminando suite à une mission d’observation au Pérou, Marie-Dominik Langlois, ancienne coordonnatrice du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), écrit:

« Pressentant les risques qu’elles encouraient avec le projet minier et se voyant exclues du processus décisionnel par le gouvernement péruvien et l’entreprise Majaz, les communautés ont décidé de prendre les mesures nécessaires afin de faire entendre leur voix. Tout d’abord, en 2005, elles ont formé le Front de développement durable de la frontière du Nord (Frente de desarrollo sostenible de la frontera norte [créé le 24 septembre 2005]), regroupant les maires de trois localités (Ayabaca, Pacaipampa et Carmen de la Frontera), ainsi qu’une trentaine de groupes de base représentant les intérêts des communautés [le réseau Muqui qui est créé au même moment].

Les citoyenNEs préoccupéEs et les groupes participants ont entrepris de sensibiliser la population de la région de Piura, en commençant par les principales communautés affectées. Leur but étant d’offrir une information indépendante, alternative à celle diffusée, notamment, par l’entreprise minière.
Par la suite, afin d’éviter l’isolement, tant géographique que politique, qui contribuait à la vulnérabilité des acteurs-trices mobiliséEs […] on a procédé au réseautage du mouvement aux niveaux local, régional, national et international »[fn]Langlois, Marie-Dominique, « Agro si, mina no ! », Caminando, Volume 25, no.3 – novembre 2007.[/fn] .

Malgré les diverses tentatives de dialogue entre les communautés, l’entreprise et les autorités péruviennes, le conflit ne trouve pas d’issue et débouche sur une impasse.

Séquestration et torture à Majaz

Le 28 juillet 2005, les paysans ont fait une marche pacifique jusqu’au campement de la mine où ils espéraient pouvoir rencontrer une commission multisectorielle. Cependant l’issue de la rencontre entre les paysans et la Police Nationale accompagnée du service de sécurité de la compagnie minière (Forza) a été à l’opposé de leurs attentes étant donné la répression violente et la division du groupe. 29 « comuneros » (membres de la communauté) de Yanta, Segunda Y Cajas, de Ayacaba et Huancabamba (province de Piura) ont été capturé et torturé. L’un d’entre eux, Melanio García, est mort le 2 août 2005 des suites de ces traitements. violents[fn]http://www.larepublica.pe/archive/all/larepublica/2009/01/09/16/pagina/14 et http://www.cnr.org.pe/noticia.php?id=24730[/fn] .

Séquestration et torture à Majaz

Source: http://1.bp.blogspot.com/_isEMFaD1glk/SXEmT_6uUwI/AAAAAAAAAQY/yXCTspn8qJc/s320/majaz2%5B1%5D.JPG

Après trois jours de séquestration et de torture, aucune autorité judiciaire ni policière n’a entendu et traité leur requête. De même, au bout de trois ans et demi, presque personne n’a prêté attention à leur récit. L’entreprise n’a jamais abordé le sujet, jusqu’à ce qu’un reportage accompagné de preuves photographiques soit publié dans le journal La República en janvier 2009. Les faits relatés sont les suivants :
•Des effectifs de la police et du personnel de sécurité de la compagnie Minera Majaz ont maintenu dos à dos attachés les 29 « communeros » [27 hommes et 2 femmes]. Par moments, ils étaient aspergés de substance toxique qui les empêchait de respirer.
•Les violences physiques s’accompagnaient de violences verbales lorsque les agresseurs leur disaient qu’ils allaient être incarcérés dans la prison de Río Seco parce qu’ils étaient des terroristes et des narcotrafiquants et qu’ils ne reverraient jamais leur maison.
•Les agresseurs s’assuraient que leurs victimes ne dorment pas. Mario Tabra Guerrero, à ce moment président du Front de Défense de l’Environnement, raconta que lorsqu’il commençait à s’endormir, un policier lui donnait des coups de pieds pour qu’il se maintienne droit.
•La tête de Senesio Jiménez Peña, président de la communauté de Yanta, a été frappée contre le sol à plusieurs reprises.

Mario Tabra Guerrero, l’un des hommes séquestrés, raconte les faits suivants :
« Nous avons été emmenés dans une salle de bain où ils nous ont torturé durant trois jours, nous accusant d’être des terroristes : «fils de pute, vous allez mourir, pourquoi vous ne pouvez pas laisser l’entreprise travailler, indiens ignorants de merde» »[fn] La República, p 9: http://www.scribd.com/doc/18322371/Violacion-de-derechos-humanospor-minera-Majaz-en-Piura2009 [/fn] .

Séquestration et torture à Majaz
Source : http://3.bp.blogspot.com/_Laj56b18ERo/SWtvyL6JQ8I/AAAAAAAAASE/hFowW3eAlDg/s400/majaz13.jpg

L’enquête sur la séquestration et la torture des 29 paysans à l’intérieur de la propriété de la compagnie Minera Majaz a avancé de manière délitée à cause du refus de la Police Nationale de dévoiler les noms des effectifs qui ont participé à ces événements en août 2005[fn]La República, p 11: http://www.scribd.com/doc/18322371/Violacion-de-derechos-humanospor-minera-Majaz-en-Piura2009[/fn] .

Le 24 mars 2008, l’organisation Front d’Unité de la Communauté Paysanne de Segunda y Cajas (FUCSC) de la province d’Huancabamba (formée le 11 décembre 2007) a présenté au Ministère Public (Fiscalía Provincial) de Turno de Piura une plainte pour délits de terrorisme sous quinze modalités contre 35 militants environnementaux de la région. Les délits dont on les accuse sont les suivants : « atteinte à la tranquillité et à la paix publique, troubles, apologie, association illicite, opposition aux pouvoirs de l’Etat et de l’Ordre Constitutionnel, émeute, conspiration, crime contre l’humanité, tortures, dommages graves et légers, coaction, séquestration, violation de domicile, crime contre le patrimoine, usurpation et dégâts ». Des 300 accusés, 35 le sont pour terrorisme[fn]La República, p 19 : http://www.scribd.com/doc/18322371/Violacion-de-derechos-humanospor-minera-Majaz-en-Piura2009[/fn] .

La déclaration de reconnaissance et d’excuses publiques que l’entreprise a formulée le 11 septembre 2006 sur les erreurs de sa politique socio-environnementale antérieure à juin 2006 ne suffit cependant pas à calmer le jeu.

Le référendum

Dans le même article écrit dans la revue Caminando suite à une mission d’observation au Pérou, Marie-Dominik Langlois, ancienne coordonnatrice du CDHAL, explique comment est né le référendum :

« Le 16 septembre 2007, suite aux demandes des citoyenNEs, les maires de trois localités de la région de Piura ont tenu des consultations locales (consulta vecinal) simultanément dans trois districts de la région andine. La question du référendum était simple et claire :

«Êtes-vous d’accord pour que se réalisent des activités minières dans votre district [Ayabaca, Huancabamba ou Carmen de la frontera, selon le cas] ?»
Plus de 17 000 personnes se sont présentées le dimanche 16 septembre lors de ce vote non obligatoire (sur un total de 32 000 personnes éligibles à voter, pour une population totale de 75 000). Le taux de participation fut de 55% […]. Plus de 92 % des répondants se sont prononcé contre le développement minier dans la région. Ce processus démocratique a démontré la capacité d’organisation et de mobilisation des communautés. Cependant, l’État péruvien, certains médias ainsi que les autorités politiques de Piura ont entrepris une campagne visant à dénigrer la position des communautés opposées au projet Rio Blanco. Le président du Pérou, Alan García, a utilisé un langage propre à l’époque de la Guerre froide en désignant les gens se ralliant aux communautés de «communistes» et «sacerdoces rouges». Il a même évoqué qu’il s’agissait là d’une conspiration visant à contrer tout développement minier au Pérou, conspiration organisé par des ONGs canadiennes et chiliennes financées par les entreprises minières de leur pays respectifs (la conspiration ne viserait pas justement ces mêmes entreprises minières) »[fn] Langlois, Marie-Dominique, Caminando, Volume 25, no.3 – novembre 2007. [/fn] .

Le CDHAL a participé à une mission d’observation du référendum avec d’autres organisations. La mission visait à surveiller la consultation réalisée auprès de trois communautés pour qu’elle se réalise en bonne et due forme et dans le respect des droits humains.

L’organisation de ce référendum fait écho aux événements survenus dans le cadre du projet minier dans le district de Tambogrande dans la province de Piura, où, suite à un référendum dont le résultat fut un rejet presque total du projet, le gouvernement a décidé d’interrompre définitivement les activités de la compagnie minière canadienne Manhattan Minerals. En ce sens, Tambogrande a pu créer un précédent au Pérou dans l’utilisation du référendum comme outil de contestation démocratique, populaire et pacifique.

Conclusion

Le conflit autour du projet Río Blanco est un conflit social prolongé qui fait apparaître au grand jour des problèmes de gouvernance ou tout du moins un antagonisme entre les priorités des populations locales et celles des autorités publiques nationales. Le cas du Río Blanco souligne la « fragilité » (manque de protection) des communautés paysannes péruviennes, qui ne trouvent pas dans l’État le protecteur de ses droits, du respect de la loi et le garant de la justice. On touche du doigt des conceptions divergentes sur les bases et la manière dont doit être mené le développement du Pérou. Pour une analyse complète de cet aspect, on peut se référer au rapport du Peru Support Group de 2007.

Un autre point à souligner est la capacité organisationnelle et de résistance des communautés concernées par ce projet, dont le mouvement a construit des ramifications locales, nationales et internationales, ayant toujours affirmé leur refus de l’installation d’un projet minier.
C’est un conflit alimenté d’animosité étant donné les violations des droits humains perpétrées. Plusieurs personnes ont déjà trouvé la mort, et on ne compte plus les manœuvres d’intimidation et de pression.

À ce jour, la situation n’a pas vraiment évoluée. On peut noter cependant quelques actualités qui pourraient être déterminantes dans le déroulement du conflit :
L’administration García (Président du Pérou) a fait l’acquisition de matériel militaire en décembre 2009 et a également augmenté les dépenses militaires pour lutter contre les groupes paramilitaires tels que le Sentier Lumineux [El Sendero Luminoso – un groupe terroriste maoiste actif depuis 1980] et pour renforcer la sécurité intérieure. Ces décisions s’accompagnent du projet d’installation de bases militaires dans certaines régions où se trouvent des compagnies minières et où la contestation des communautés locales se fait de plus en plus vive. Selon un article du North American Congress on Latin America (NACLA), l’objectif de cette politique est claire : « [ces projets] justifient le déploiement de l’appareil de sécurité du pays dans des zones riches en ressources naturelles pour protéger des intérêts des compagnies. Plusieurs membres de l’administration García ont, dans des interviews, lié les groupes autochtones qui protestent contre les stratégies de développement du gouvernement aux groupes armés comme le Sentier Lumineux. »[fn]http://cdhal.org/en/presse/2010/03/22/militarization-peruvian-countryside[/fn]

L’article se réfère également aux tentatives d’augmenter la pression sur ces communautés en intentant des procès contre les militants et les membres de ces communautés utilisant ce prétexte pour installer des bases militaires dans ces régions. Un projet de ce type a été lancé pour installer une base militaire dans la province de Piura à proximité du site où se déroulent les activités de la compagnie Río Blanco Copper ; les populations locales craignent une militarisation du conflit si cette base militaire est installée.

L’administration Garcia a l’intention de continuer sa stratégie de développement basée sur l’extraction de ressources naturelles. Le gouvernement a récemment pressé le Congrès d’adopter un projet de loi visant à faciliter l’expulsion de communautés entières dans des régions riches en ressources naturelles lorsqu’un projet particulier est considéré comme fondamental pour l’intérêt public.[fn]Ibid.[/fn]

Le site internet de Monterrico Metals ne fournit pas d’information complète et extensive sur le déroulement du projet, elle spécifie cependant que la compagnie minière prévoit de commencer ses travaux d’exploitation du site en 2011. Début décembre 2009, lors d’une confrontation avec la police nationale, Vicente Robledo Ramírez et Castulo Correa Huayama sont décédés des suites d’une blessure par balle ; six autres paysans ont été blessés et deux autres détenus. Au total ce conflit aura fait 7 morts, dont le gérant du site et deux membres des forces de sécurité du site.

En octobre 2010, les autorités et les dirigeants du district de Las Lomas ont participé à une réunion pour prendre des mesures en vue de régler les problèmes liés à l’opération d’une mine dans le district, car ils étaient préoccupés par la position du gouvernement régional d’imposer un parc minier dans cette zone dépendant de l’agriculture. Le maire de la localité, Cristian Vences Vegas, a convoqué les présidents de l’Association des producteurs agraires et des éleveurs, les «rondas campesinas», les Comités de développement rural (Coder), la Junte de la zone de développement (Judoze) et diverses autorités pour proposer des mesures visant à contrecarrer l’exploitation minière.

Ressources sur le cas :

www.todosborerioblanco.com
Site web d’information sur le projet Río Blanco administré par le réseau Muqui ; site qui fournit des documents d’explication générale du conflit et les dernières actualités.
http://www.perusupportgroup.org.uk/resources.php
Site du Peru Support Group pour avoir accès au rapport de 2007 sur la situation dans la région de Piura.

https://cdhal.org/presse/2007/11/01/agro-si-mina-no
Article de Marie-Dominik Langlois paru dans la revue du CDHAL Caminando en novembre 2007.
http://www.minem.gob.pe/
Site web officiel du Ministère de l’Energie et des Mines.
http://www.monterrico.co.uk/s/Home.asp
Site web de la compagnie minière Monterrico Metals.