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Les autochtones minés par les multinationales canadiennes

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Nuisances, dégradations de l’environnement, expropriations. Les communautés autochtones paient le prix de l’exploitation minière. Les multinationales justifient leur présence par un argument bien noble : participer au développement économique des régions concernées. Qu’en est-il réellement ?

Le 7 mai, Barrick Gold annonce le lancement du projet très controversé de la mine aurifère Pascua Lama. Située à la frontière entre l’Argentine et le Chili, cette mine est présentée comme une grande opportunité économique. Seul bémol, des 5 500 emplois créés pour la construction de la mine, seulement 1 600 seront maintenus pendant la phase d’exploitation. Et c’est sans parler des « 8 000 agriculteurs menacés par l’extraction de la mine », comme l’indique Patricio Lopez, coordinateur national de la Manifestation de défense de l’environnement au Chili.

Marcel Claude, économiste à l’Université de Santiago au Chili, étudie l’impact des mines sur le développement économique du pays. Il observe que la contribution « au niveau des revenus et de l’emploi [pour les communautés locales] est nulle ». En effet, les compagnies minières sont à l’origine de seulement «  0,5 % de l’emploi » au Chili. « Minime par rapport l’économie nationale ! » dit-il.

Au Guatemala, la mine Marlin, exploitée par une filiale de Glamis Gold, ne créera à long terme que « 160 emplois locaux  » sur les 1 000 emplois créés la première année, selon le Groupe d’orientation politique pour les Amériques (GOPA). Sans compter que seulement «  1 % des profits de la mine seront versés au gouvernement guatémaltèque et aux administrations municipales ».

Un développement à court terme

Il est certain que les entreprises minières participent au développement économique local : construction d’écoles pour les enfants des employés de la mine, infrastructures routières, centres de santé. Daviken Studnicki-Gizbert, professeur d’histoire à l’Université McGill, explique que les projets à ciel ouvert amorcés par les sociétés canadiennes ont « une durée de vie d’une vingtaine d’années en moyenne, comprenant l’exploration, le forage et l’exploitation de la mine ». La question est de savoir si les infrastructures construites pendant l’extraction répondent aux besoins des communautés autochtones locales à long terme.

Une grande partie des emplois offerts par une mine sont spécialisés. La main-d’œuvre qualifiée, ingénieurs ou cadres, provient des pays développés ou des zones urbaines. Des formations sont bien sûr proposées aux populations locales, souvent autochtones. Mais elles nécessitent un « niveau d’éducation préalable la plupart du temps inexistant », confie Jamie Kneen, de Mining Watch. Sans parler du fait que les autochtones locaux exercent déjà un emploi. Agriculture, artisanat, tout un mode de vie traditionnel est mis à mal. La contamination de l’eau et des terres nuit à l’agriculture. Les transnationales créent effectivement quelques emplois pour la population locale, mais à quel prix et combien d’emplois sont indirectement détruits?

Économie nationale

Les redevances payées par les entreprises minières à l’État permettraient en théorie d’impulser l’économie nationale. La Bolivie par exemple est «  le pays qui dépend le plus des transnationales minières », selon Daviken Studnicki-Gizbert. Mais la situation n’est pas aussi simple. Au début de son mandat présidentiel en 1993, Gonzalo Sanchez de Lozada lance une grande politique de privatisation touchant de surcroît les ressources naturelles du pays. Les multinationales obtiennent des concessions pour une durée de 40 ans tout en bénéficiant d’une réduction d’impôts de moitié. Les minières payaient alors 18 % de taxes à l’État, un des taux «  les plus bas au monde », d’après Walter Chavez, ancien directeur de l’édition bolivienne du Monde diplomatique. C’est l’élection d’Evo Morales qui change les rapports de force entre les mines et l’État. En plus d’engager une politique de nationalisation des hydrocarbures, Evo Morales renégocie les contrats avec les compagnies minières étrangères. Ce rapport de force, les pays en développement n’ont pas tous réussi à le mettre en œuvre. Au Chili, Marcel Claude remarque que les transnationales « ne paient pas ou très peu d’impôts à l’État chilien  », grâce à des procédés plus ou moins douteux. Ces entreprises « profitent d’un vide législatif », selon Marie-Ève Marleau de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement, car les lois en vigueur, promulguées au temps de la dictature, nuisent à l’imposition de ces compagnies.

La lutte vers la nationalisation des ressources naturelles et le respect des territoires autochtones est encore longue. En janvier dernier, l’approbation d’une loi autorisant l’extraction des ressources naturelles en Équateur, qui profite à des minières canadiennes comme Kinross, Iamgold ou Corriente Resources, provoque des vagues de manifestations menées par des communautés autochtones. Selon la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur), cette loi irait à l’encontre de la Constitution votée en septembre 2008 prévoyant des « droits à la nature » et «  l’accès à l’eau comme un droit humain ». Lors de sa réélection, le président Rafael Correa affirme que «  les Équatoriens trancheront entre un passé fait de pillage et d’injustice et un avenir bien plus beau ». Entre les certitudes du passé et les promesses d’un bel avenir, que devraient choisir les autochtones ?

Katia Tobar