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Voix et perspectives autochtones face à la pandémie mondiale

Les dernières semaines ont été marquées par la situation de la pandémie générale du Covid-19, laquelle a considérablement exacerbé les inégalités sociales.

Les principales mesures de sécurité recommandés par les gouvernements et équipes de santé ne sont pas adéquates pour tout le monde, comme les peuples autochtones qui font face à un plus grand risque.

Parce que les voix des peuples autochtones sont généralement réduites au silence, le Comité pour les Droits Humains en Amérique Latine, CDHAL, a cherché à interroger le contexte dans quelques pays. Nous avons alors recueillis des témoignages de personnes provenant de différents peuples autochtones qui nous ont parlé de leurs manières d’agir face à la pandémie depuis leur propres perspectives et manière de comprendre le monde.

Aujourd’hui dans le soi-disant Canada, les mesures de sécurité par le gouvernement ne s’appliquent pas aux réalités des peuples autochtones. Bien que ce soit un pays riche, plusieurs communautés autochtones n’ont pas accès à de l’eau potable ou à des réseaux d’assainissements. Aussi, dans les réserves, il est presque impossible de respecter complètement les mesures d’isolement social au sein des maisons quand il n’est pas rares de trouver 10 personnes vivants sous un même toit.
Historiquement, quand une personne d’un peuple autochtone est infectée, il y a de fortes chances que la contagion dans la communauté soit rapide et écrasante. Tout cela montre bien que le processus colonial ne cesse de se perpétuer, du fait que l’intérêt attribué à ces territoires est suscité par la volonté d’ exploitation des ressources ou d’implantation des projets destructifs.

C’est ce que dénonce Jennifer Wickham, responsable des Médias de communications, originaire du camp Gidimt’en de la nation Wet’suwet’en, dans l’Ouest du Canada. elle est mondialement connu pour avoir fait l’objet en février dernier, d’une résistance nationale entravant tout le réseau ferroviaire du pays afin d’arrêter la construction d’un gazoduc au sein de leur territoire ancestrale. Aujourd’hui malgré la quarantaine imposée par le gouvernement à l’ensemble de la population canadienne, les travaux sur le site de construction du gazoduc n’ont pas été interrompus.

Nous sommes en train de développer ardemment des protocoles internes pour assurer la sécurité et la santé de toutes et tous. Pendant que tout le monde se trouve sous l’état d’urgence, comme c’est le cas dans la province de la Colombie Britannique, l’entreprise Coastal Gaslink continue de travailler. Ils ont ouvert le chemin et continuent à être très actif sur le territoire.
Il y a une augmentation de la présence de la police fédéral du Canada. Ils ne sont jamais partie. Ça nous préoccupent beaucoup que tant de personnes de l’extérieure entrent et sortent du territoire sans cesse. Ces projets sont exemptés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes normes que les autres personnes dans la province de la Colombie-Britannique ou au Canada en général.
Je sais que les politiques réussissent très bien à inculquer la peur aux gens. Mais j’invite toutes et tous à se souvenir que, comme espèce, nous devons prendre des décisions. Nous, en tant que peuples autochtones, avons survécu à des situations bien plus graves.

Nous avons une opportunité pour changer fondamentalement notre manière de faire les choses; par exemple: comment nous utilisons notre temps, comment nous prenons soins de nous individuellement, comment nous prenons soins de notre famille et de notre communauté. De oz vient notre nourriture, quel type de médecine utilisons-nous ? Et comme peuple, et bien tout est lié à notre territoire.
Quand nous allons au supermarché sans produits, nous entrons en panique. Je crois que ce serait le moment idéal pour commencer à reconsidérer l’origine de notre nourriture ou la manière dont elle a été produite. Nous devons commencer à cheminer vers l’autosuffisance.
Je sais que se succèdent beaucoup de choses négatives, tristes et horribles dans le monde à cause de cette pandémie. Mais il est possible de faire beaucoup en tant qu’être humain, en tant que société, pour produire des effets positifs après la crise. Nous ne voulons pas revenir à cette routine de poursuite à l’argent. Cette manière de faire les choses est destructive pour nos Yintah, notre territoire et pour notre peuple. Saisissons le moment et continuons le mouvement.

Cependant, la situation de précarité et de négligence envers les peuples autochtones n’est pas uniquement propre au Canada. Au Brésil, le président Jair Bolsonaro a toujours défendu le fait que les territoires autochtones doivent être explorés de fond en comble. Son discours de haine encourage la multiplication des coupes forestières, des feux de forêts, ainsi que des assassinats de leaders autochtones. Mais dans l’actuelle situation de la Covid-19, il expose toute la population brésilienne à la pandémie et ne prend aucune mesure pour empêcher le virus d’atteindre les communautés autochtones plus isolés. C’est ce que nous raconte Williames Sousa, du peuple Borari.

Le gouvernement fédéral, avec le président Jair Bolsonaro, ne suit pas les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé, il va à l’encontre de celle ci. Il est vraiment contre les questions autochtones parce qu’il dit que nos parents n’ont pas besoin de ces terres. Il veut les ouvrir pour l’agrobusiness pour exploiter le bois et les ressources minières qu’il y a dans le sol. Plusieurs terres sont riches, incluant la nôtre. Il veut voler la forêt pour planter du soja et du maïs. Il était déjà contre les personnes autochtones sur cette question et maintenant il a démontré qu’il est contre les mesures nécessaires à l’isolement social. Ultimement, il est sortie à Brasilia, où il travail, pour serrer des mains, pour aller dans les commerces parler avec les gens et prendre des photos. Donc il va à l’encontre de cette question, bien que tous les autres secteurs, le pouvoir judiciaire, le congrès, le parlement, tout le monde est d’accord avec l’isolement social. Seul le président est toujours contre.
Dans les communautés, nous avons la forêt qui nous procure des aliments, des aliments sacrés, des aliments qui nous apportent la vie depuis toujours. Nous avons déjà eu d’autres types de maladies, mais nous les avons surpassées. Comment avons nous fait? Nous allions dans les champs les plus éloignés. Nous restions dans la forêt. Nous savons comment vivre dans la forêt. Donc nous avons beaucoup appris, depuis de très nombreuses années et grâce à nos grand-parents qui ont transmis leurs connaissances à nos parents, et de nos parents elles sont arrivés à nous. Donc tant que la forêt tient, nous pouvons avoir cette vie. Sans la forêt, nous ne pouvons pas avoir cette vie, nous ne pouvons pas donner à manger à nos enfants et nous ne pouvons pas espérer d’autres générations.

De son côté, Natto, un chamane aussi du peuple Borari au Brésil nous explique comment ils affrontent la pandémie dans sa communauté.

Face à tous les problèmes que le monde affronte, nous autres autochtones, nous sommes les plus vulnérables au coronavirus. Donc ici nous sommes ensemble avec nos guerriers dans le territoire Borari. Nos Caciques ont demandés à tout le monde de rester en quarantaine. Nous sommes dans la forêt, nous remercions Dieu pour le second jour de la lune, lune nouvelle, lune sacrée, lune de guérison, lune de protection. Nous demandons cette guérison, cette protection pour le monde et demandons à tous nos parents autochtones de rester à la maison. Restez dans les communautés, restez dans les forêts. La forêt sacré, c’est où nous trouvons la guérison à travers les plantes. Grand Esprit, notre père Tupa, benni le monde entier et tous nos peuples, de toutes les ethnies et spécialement à notre Brésil.

Depuis la ville de Puebla au Mexique, Miguel Angel Villegas Cabrera du peuple Nahuatl, nous raconte une anecdote qui suggère que le coronavirus est un problème de plus causé par les mode de vie et de productions de la société actuelle.

Le titre de cette réflexion est  » la clarté ».

[…] Aujourd’hui je suis allé nulle part parce que la ville de Puebla était quasi fermée. Les gens étaient occupés à prendre des précautions pour ne pas attraper le Coronavirus, alors j’ai décidé d’aller à la campagne. Là-bas, dans la montagne, j’ai rencontré un homme qui s’occupait de taureaux. Je lui ai respectueusement demandé « Vous ne vous protégez pas du Coronavirus ? » et il m’a répondu « non, je préfère me protéger de la confusion ». J’ai demandé « comment ça « de la confusion » ? Il me répondit alors : « Que ce soit vrai ou faux, ce que l’on dit sur le coronavirus, la véritable cause de cette situation s’appelle la confusion de l’humanité. C’est pourquoi, il ajouta, je fais attention à ne pas tomber dans la confusion. Aujourd’hui plus que jamais, je cherche à avoir de la clarté dans ma vie pour être en bonne santé. J’écoute les nouvelles le moins possible. J’écoute davantage la voix sage qui est en moi. » Il m’expliqua que les virus que nous transportons sont pour lui comme ses taureaux. Nous devons communiquer avec eux, travailler avec eux et leur parler comme des amis. C’est ce que l’humanité a oublié. C’est pourquoi elle a perdu sa clarté et aujourd’hui elle est très confuse face à ces émotions, face à ce qu’elle peut ressentir.

Les connaissances des peuples autochtones sont souvent perçues comme des croyances, sans rationalité et sans légitimité du fait qu’elles contrastent avec la perception hégémonique que l’on a de la réalité.
Cette crise devrait nous amener à valoriser et à s’inspirer des connaissances des peuples autochtones. Il est impératif de reconnaître les interconnexions entre les écosystèmes et les êtres humains. Il est aussi temps d’interroger sérieusement et de mettre à terme, la suprématie et l’emprise que le monde capitaliste exerce sans relâche sur la vie des personnes et de l’ environnement.

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Photo: Juancho Torres – Agencia Anadolu