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Nos Amériques. L’éducation publique se défend au Chili, en Argentine et en Amérique latine

Publié par Marisol Durán Santis, Resumen latinoamericano, 29 avril 2024

Alors que nous recevions des informations de Buenos Aires sur la mobilisation massive et pacifique de centaines de milliers d’étudiants, d’universitaires et de fonctionnaires des universités argentines, qui ont défilé avec des livres à la main, nous avons appris avec émotion et impact la déclaration officielle du Conseil national interuniversitaire (CIN), du Front syndical national des universités et de la Fédération des universités argentines. Leur jugement est sans appel : « L’université publique argentine traverse une période critique, conséquence des politiques mises en œuvre par le gouvernement national » ; alors que « les universités publiques sont un des moteurs de la démocratie, de la production et du lien social ».

Nous ne pouvons que partager ces considérations. « L’éducation est un droit humain fondamental parce qu’elle s’impose au destin ingrat de l’inégalité (…) Nous assumons la tâche de défendre inébranlablement l’accès à l’éducation pour la grande majorité », affirme la déclaration des communautés universitaires transandines.

« Nous ne voulons pas qu’ils nous volent nos rêves : notre avenir ne leur appartient pas. Nous sommes les fiers fils et filles de l’université argentine ; nous sommes l’université publique, libre et gratuite, d’excellence, de liberté et d’équité. Nous sommes l’université du grand peuple argentin. C’est pourquoi nous lutterons dans le cadre d’une résistance démocratique et pacifique inébranlable, pour l’éducation que nous voulons, pour le pays auquel nous aspirons », affirment-ils.

Ils soulignent également que la science et la technologie sont essentielles à la production de « souveraineté, développement et progrès », et qu' »un pays qui n’investit pas dans la science renonce à sa souveraineté ». Ils ajoutent que « le désengagement du système universitaire et scientifique est préjudiciable aux objectifs déclarés de croissance économique ».

Ils concluent : « Nous défendons l’accès à l’enseignement supérieur public comme un droit. Nous croyons en la capacité égalisatrice de l’enseignement public gratuit, au pouvoir transformateur de l’université en tant que formidable outil de mobilité sociale ascendante et à la contribution différentielle et substantielle de la production scientifique à la société de la connaissance. Tous nos problèmes peuvent être résolus avec plus d’éducation et d’universités publiques, avec plus d’investissements dans la science et la technologie. Nous voulons que nos institutions soient le mécanisme qui permettra à l’Argentine de surmonter les inégalités structurelles et de s’engager sur la voie du développement et de la souveraineté. L’éducation nous sauve et nous rend libres. Nous appelons la société argentine à la défendre. »

Au nom du Consortium des universités de l’État du Chili (CUECH), j’ai signé un protocole d’accord avec le CIN d’Argentine, dans le cadre de la Foire internationale de l’éducation (FIESA), qui s’est tenue en novembre 2022 dans la ville de Mar del Plata, un événement d’envergure mondiale auquel ont participé quelque 200 établissements d’enseignement supérieur des Amériques et d’Europe. Le CIN, quant à lui, est le principal espace d’articulation de l’enseignement supérieur transandin, réunissant 72 institutions universitaires.

La signature du Mémorandum a été précédée d’une discussion sur « Les défis de l’enseignement supérieur au Chili et en Argentine », qui faisait partie du programme officiel de la FIESA. Nous avons eu l’occasion d’exprimer notre conviction quant à la nécessité de renforcer l’enseignement supérieur public au Chili et à l’impératif de le « consacrer comme un droit social universel ». Nous avons pu exposer les efforts historiques des communautés éducatives de notre pays pour surmonter le projet d’éducation de marché imposé à l’époque de l’autoritarisme et ses impacts négatifs sur la société chilienne.

Tout indique qu’en Argentine, l’idée illusoire que le marché peut être un meilleur régulateur de l’éducation a fait son chemin et que la notion d’éducation en tant que bien public et droit social garanti par l’État doit être abandonnée… Les communautés des universités publiques chiliennes crient un non retentissant ! Nous avons fait l’expérience directe de ce que signifie résister à l’assaut de l’enseignement supérieur médiatisé par les intérêts d’un marché qui profite à quelques-uns et non à l’ensemble de la société, et d’une production de connaissances limitée à ce qui est échangé sur le marché, ce qui continue à laisser nos communautés, notre pays, à la limite du sous-développement et de l’affaiblissement du chemin vers l’horizon d’une bonne qualité de vie.

Comme nous l’avons souligné dans une déclaration récente du Consortium des universités d’État du Chili (CUECH), dans notre pays, après 50 ans, « nous n’avons pas réussi à surmonter un paradigme basé sur des conceptions de marché pour comprendre l’éducation publique ».

« Les restrictions et la précarité qui sous-tendent les modèles de droits universitaires basés sur la subvention de la demande ou la privatisation forcée des connaissances scientifiques et technologiques, par l’étranglement de la contribution fiscale aux universités et aux institutions de recherche académique, conduisent inévitablement à la perte de la souveraineté nationale sur les données scientifiques et sapent les possibilités d’utiliser les progrès de la science et de la technologie au profit du peuple », a déclaré le communiqué du CUECH.

C’est pourquoi « nous nous joignons, en tant que Sistema de Universidades Estatales (du Chili), aux voix qui mettent en garde contre la mauvaise voie que l’Argentine est en train d’emprunter ».

De ce côté-ci des Andes, nous exprimons notre solidarité et notre amitié à nos collègues du Conseil national interuniversitaire (CIN), ainsi qu’à toutes les communautés universitaires d’Argentine. Nous ne doutons pas que, comme à d’autres moments de l’histoire, cette période grise et amère que vit aujourd’hui le pays du libérateur José de San Martín restera dans les mémoires.

Marisol Durán Santis est rectrice de l’Universidad Tecnológica Metropolitana. Elle est membre du conseil d’administration du Consortium des universités d’État chiliennes (CUECH).

Source: https://www.resumenlatinoamericano.org/2024/04/29/la-educacion-publica-se-defiende-en-chile-argentina-y-america-latina/