HomeCommuniquéLettre collective aux députés pour freiner l’accord de libre-échange Canada/Colombie

Lettre collective aux députés pour freiner l’accord de libre-échange Canada/Colombie

Montréal, le 19 novembre 2009

 
Objet : Projet de loi C-23

 
Monsieur le député,

Madame la députée,

Nous nous adressons à vous en relation avec le projet de loi C-23 portant sur un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. Nous suivons de très près les débats de la Chambre des Communes et nous sommes profondément préoccupés par l’appui que votre parti apporte à ce projet de loi sans égard à la question des droits humains.

 

Comme vous le savez peut-être, la Colombie demeure le pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes. Selon un communiqué de novembre 2009 de la Central Unitaria de Trabajadores, le plus important syndicat colombien, 31 syndicalistes ont été assassinés cette année. Dans ce même communiqué il est dénoncé que 13 syndicalistes de la CUT ont reçu récemment des menaces de mort de la part de groupes paramilitaires. Deux tiers (2/3) des assassinats de syndicalistes dans le monde sont commis en Colombie. De plus, dans son rapport « Colombia’s classroom wars – Political violence against education sector trade unions » de septembre 2009, Éducation internationale affirme que près de la moitié des syndicalistes assassinés sont des enseignants.

Les défenseurs de droits humains, les syndicalistes et les personnes participant aux différents mouvements sociaux colombiens continuent d’être stigmatisés par les dirigeants du gouvernement colombien, ce qui met leur vie et celle de leur famille en danger. Le gouvernement Uribe qualifie de terroriste toute personne ou organisation ayant une voie discordante avec le discours officiel. Cette dangereuse tendance de la part du gouvernement sert souvent à cibler les menaces des organisations paramilitaires sur les groupes qui dénoncent la politique gouvernementale, entraînant des conséquences tragiques.

Des communautés entières ont été et sont encore chassées de façon violente et massivement de leurs terres par des actions illégales de groupes armés, souvent afin de libérer les territoires au bénéfice de l’agro-business, de l’extraction des ressources par les entreprises, ou d’activités liées au trafic de drogues. Une étude récente du CODHES (Organisation pour les droits humains et sur le déplacement) démontre que les déplacements forcés ont augmenté de 24,47 % en 2008, soit 412 553 personnes déplacées en un an. Les groupes vulnérables – femmes, enfants, Autochtones et Afro-Colombiens, entre autres – sont toujours touchés de façon disproportionnée par les déplacements : 74 % des personnes déplacées sont des femmes et des enfants, et les Autochtones forment 8 % des personnes déplacées alors qu’ils forment seulement 3 % de la population en Colombie.

Au dire du président Uribe, les groupes paramilitaires ont été démantelés. Cependant, les faits démontrent que ces groupes existent toujours. Le manque de volonté politique du gouvernement Uribe pour démanteler ces groupes a permis que d’anciens paramilitaires se soient regroupés dans des escadrons de la mort qui font régner la terreur sur les populations  et participent au trafic de drogue.

Plusieurs organisations ont documenté les liens étroits entre certains congressistes colombiens et ces groupes paramilitaires. Bien que le gouvernement actuel continue de nier ces liens, 83 congressistes sont actuellement mis en examen par les autorités judiciaires colombiennes en raison de leurs activités illicites réalisées en collaboration avec des groupes paramilitaires (voir rapport Los caminos de la alianza entre los paramilitares y los politicos, Fundación Arco Iris). Aucun accord ne devrait être signé avec un gouvernement dont l’appareil étatique est gangréné et impliqué dans des procès de cette nature.

Si tout cela n’était pas assez grave, le gouvernement colombien actuel, à travers l’armée colombienne,  a été aussi lié à une terrible affaire connue sous le nom du « scandale des faux positifs ». De « faux » guérilleros, qui ne sont autres que des civils innocents que l’on assassine pour ensuite les revêtir d’un uniforme des FARC , sont présentés comme FARC pour pouvoir ainsi recevoir la somme promise par le gouvernement pour chaque membre des FARC tué. Selon un rapport du Centre d’Investigation et d’Education Populaire (CINEP, Falsos positivos informe especial abril 2009), en 2008 il y aurait eu 148 cas de « faux positifs » dans 19 des 32 départements de Colombie. On voit mal comment un scandale de cette ampleur mettant en cause l’armée colombienne pourrait être compatible avec les affirmations selon lesquelles il existe en Colombie une situation de respect des droits humains de la part d’agents gouvernementaux.

Monsieur le député, Madame la députée, nous pensons sincèrement que les conditions actuelles en Colombie ne sont pas adéquates pour signer un traité de l’envergure d’un accord de libre-échange entre les deux pays. La signature d’un tel accord serait perçue par le gouvernement colombien comme une approbation ou une récompense, et ne ferait qu’aggraver la situation actuelle plutôt que de l’améliorer.

Bref, nous croyons que la signature de cet accord de libre-échange avec la Colombie nous mettrait en contradiction avec les valeurs démocratiques du Canada et sous-tendrait la primauté des intérêts commerciaux par rapport aux droits humains fondamentaux, car, comme nous l’avons démontré, la situation actuelle des droits humains en Colombie est d’une extrême gravité.

Nous vous demandons donc de vous opposer à la ratification de la loi C-23, jusqu’à ce que soit mise en place une étude d’impacts indépendante de cet accord sur les droits humains en Colombie et que ses résultats soient connus et rendus publics.

Nous vous demandons de même de vous opposer à la récente motion du Parti Conservateur qui vise à accélérer l’adoption de cette loi par le Parlement. La fin précipitée des débats que suscite cette loi si controversée ne ferait que réduire le processus démocratique en bâillonnant la discussion.

Nous vous demandons une rencontre très prochainement, où nous pourrions vous expliquer nos préoccupations avec plus de détails.

ORGANISATIONS SIGNATAIRES

Comité pour les droits humains en Amérique latine – CDHAL

Développement et paix

Projet accompagnement solidarité Colombie – PASC

Conseil central du Montréal métropolitain – CSN

Eglise unie du Canada

Conseil des canadiens

Réseau québécois pour l’intégration continentale – RQIC