HomeNouvellesLettre à Marc Garneau, Ministre des Affaires Étrangères du Canada, concernant la situation en Colombie

Lettre à Marc Garneau, Ministre des Affaires Étrangères du Canada, concernant la situation en Colombie

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Monsieur le ministre Garneau,

Nous vous écrivons aujourd’hui en tant que participant.e.s au Réseau global des peuples ethniques et de la paix, une initiative de recherche et de plaidoyer communautaire-universitaire établie en 2020, impliquant des représentant.e.s de plus de 20 organisations de la société civile et universités canadiennes, colombiennes et internationales. Nous, les soussigné.e.s, souhaitons de toute urgence attirer votre attention sur la crise qui se déroule en Colombie, sur la récente militarisation et la violence d’État liées à la grève nationale en cours, mais aussi sur la violence permanente qui touche les leaders et les communautés autochtones et afro-colombiennes dans la période post-accord de paix. 

L’organisation non gouvernementale INDEPAZ a signalé 1116 assassinats de dirigeant.e.s sociaux.les et de défenseur.e.s des droits humains depuis la signature des accords de paix en 2016. Parmi ceux-ci, 828 cas d’homicides concernaient des leaders appartenant à des organisations rurales, autochtones, afro-descendantes, environnementales et paysannes. Les premiers mois de 2021 ont été les plus violents depuis les accords de paix de 2016, avec 28 massacres commis pendant cette période. Les populations autochtones et afro-colombiennes sont touchées de manière disproportionnée par cette violence.

Nous demandons au gouvernement canadien de dénoncer l’extrême violence et les violations des droits humains qui se poursuivent en Colombie, en particulier contre les groupes ethniques ; de veiller à la mise en œuvre effective du chapitre ethnique de l’accord de paix colombien ; et de soutenir la campagne Accord humanitaire immédiat afin de protéger les populations civiles face aux déplacements et à la violence.

Les leaders et les communautés autochtones et afro-colombiennes des régions du Pacifique colombien et du nord du Cauca sont particulièrement visés – plusieurs leaders ont été tué.e.s au cours des dernières semaines. La moitié des leaders assassiné.e.s en 2020 dans la région du Cauca étaient autochtones, ce qui représente une augmentation significative par rapport à l’année précédente. Plus d’un.e leader sur dix assassiné.e.s ces dernières années était une femme autochtones, notamment les leaders de Nasa/Paez Cristina Bautista Taquinas (octobre 2019) et Sandra Liliana Peña Chocué (avril 2021). 

De même, on assiste à des assassinats ciblés de leaders et à des massacres dans les communautés afro-colombiennes, dont un récent massacre à Buenos Aires de Quibdó, dans le Chocó, fin avril. Rien qu’au cours des cinq premiers jours de 2021, quatre femmes et jeunes filles noires ont été assassinées dans la province de Nariño.  Diverses communautés sont sous la menace imminente d’être déplacées en raison des affrontements entre les dissidents des FARC et l’armée, comme 5000 civils à Timbiqui, comme cela a été signalé le 24 avril. Les leaders afro-colombien.ne.s de Quibdo, Buenaventura et Tumaco sont menacé.e.s en raison de leur action en faveur de la paix, notamment l’assassinat ciblé de leaders cherchant à débarrasser leur territoire des cultures de coca et des groupes armés illégaux.

L’absence d’action gouvernementale pour mettre en œuvre l’accord de paix et soutenir les opportunités économiques légitimes pour remplacer les activités illégales a permis aux groupes armés de s’installer et de prospérer. La communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité des Nations unies, a exprimé son inquiétude face à l’escalade de la violence et a préconisé une action immédiate. 

En ce qui concerne la situation déplorable qui se déroule aujourd’hui en Colombie, Human Rights Watch a enregistré au moins 4 000 appels pour abus policiers depuis le début de ces manifestations ; les rapports d’organisations colombiennes font état de plus de 1 000 cas d’abus policiers, notamment d’agressions physiques, de torture et de traitements cruels, et d’au moins 30 homicides. L’organisation Temblores a signalé que 286 personnes ont été placées en détention, le plus souvent selon des procédures arbitraires, contrairement aux dispositions du code de la police. Cette situation est inacceptable et doit être fermement dénoncée par la communauté internationale, en particulier par les pays ayant des liens économiques et politiques importants avec la Colombie, comme le Canada. 

Il est urgent que le gouvernement du Canada prenne les mesures spécifiques suivantes pour aider à prévenir la violence contre les communautés et les leaders autochtones et afrocolombien.ne.s :

  • Faire une déclaration publique forte exprimant son inquiétude face aux actions du gouvernement colombien contre la population civile pendant la grève nationale qui a débuté le 28 avril, ainsi que face au nombre croissant d’assassinats de leaders sociaux.ales autochtones et afro-colombien.ne.s, en particulier de femmes autochtones.
  • Soutenir la campagne « Accord humanitaire immédiat » menée par les autorités ethniques pour protéger la population civile prise au piège des groupes armés.
  • S’exprimer publiquement et utiliser tous les moyens disponibles, y compris aux Nations Unies, pour exiger que le gouvernement colombien mette en œuvre rapidement et avec force tous les aspects de l’Accord de paix de 2016, en particulier le chapitre 6.1.2 sur l’ethnicité. 
  • Utiliser le programme Voices at Risk d’Affaires mondiales Canada pour assurer la protection des leaders sociaux et sociales autochtones et afro-descendant.e.s dont la vie est menacée. 
  • Demander la fin de la violence d’État en Colombie et la mise en place d’une commission de vérification internationale.
  • Augmenter le soutien aux femmes et aux filles de la région de Chocó, y compris le soutien financier aux communautés autochtones et afro-colombiennes de toute la région du Pacifique qui subissent des violences et cherchent des solutions pacifiques au conflit. 

Dans l’attente d’une réponse rapide, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.