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Le Canada abandonne la population du Honduras

Le 27 janvier, le conservateur Juan Orlando Hernández sera assermenté pour un second mandat en tant que président du Honduras, mettant ainsi fin à un processus électoral de plusieurs mois marqué par des allégations de fraude et de violences graves contre des citoyens contre la dictature. L’appui du Canada au régime et sa validation de résultats électoraux — que même l’Organisation des États américains (OEA) a critiqués — sont profondément troublants et représentent un autre revers pour la démocratie et les droits de la personne dans la région.

Le lendemain des élections présidentielles du 26 novembre 2017 au Honduras, le Tribunal suprême électoral a publié des résultats préliminaires. Avec près de 60 % des voix comptées, le candidat de l’alliance de l’opposition, Salvador Nasralla, était en tête avec cinq points d’avance sur le président sortant, Hernández, du Parti national (extrême droite). Le TSE est demeuré silencieux pendant 36 heures, faisant craindre à de nombreux Honduriens que l’élection ne soit volée. Le gouvernement de Hernández a imposé un couvre-feu du crépuscule à l’aube et a ordonné aux forces policières et militaires d’écraser les manifestations antifraude qui se déroulaient dans tout le pays. Lorsque le tribunal a finalement recommencé à rendre compte des résultats des élections, l’avance de Nasralla avait soudainement disparu et donnait désormais l’avance à Hernández.

Lors des trois semaines suivantes, soit jusqu’au 17 décembre, lorsque le TSE a proclamé la victoire d’Hernández, plus de 30 manifestants antifraude ont été tués dans les rues, des dizaines de personnes ont été blessées et plus de 800 ont été détenues arbitrairement. Les organisations honduriennes de droits de la personne ont exprimé leur inquiétude quant à la réapparition des escadrons de la mort, les disparitions forcées et la torture des manifestants arrêtés et accusés de crimes sérieux, notamment de « terrorisme », pour avoir participé à des manifestations non violentes.

Compte tenu des irrégularités constatées lors de sa mission d’observation électorale, l’Organisation des États américains a appelé à de nouvelles élections. Cependant, le gouvernement canadien a ignoré la violence et les rapports des observateurs internationaux, et a tranquillement suivi son homologue américain, exprimant le soutien du Canada à Juan Orlando Hernández dans un message sur Twitter quelques jours avant Noël.

Un des plus violents au monde

Depuis le coup d’État de 2009, le Honduras est devenu l’un des pays les plus violents au monde, avec des taux élevés de meurtres, d’insécurité et d’impunité. Les élections tenues après 2009 — toutes remportées par le Parti national — ont également été approuvées par le gouvernement canadien, malgré les nombreuses allégations de violence et d’irrégularités dans le processus électoral rapportées par les observateurs honduriens et internationaux.

Le gouvernement Harper a profité de la rupture démocratique et de la détérioration des conditions au Honduras pour faire avancer les intérêts économiques — par exemple, en facilitant une refonte du code minier hondurien au profit des transnationales extractives canadiennes et en devenant le premier pays à signer un accord de libre-échange avec le régime post-coup au Honduras.

À l’approche de l’investiture de Juan Orlando Hernández, la répression contre les militants prodémocratie se poursuit. Une large coalition d’organisations de la société civile exige la fin de la répression, un dialogue national comptant sur une large représentation et la destitution du président de facto. Au-delà de la politique partisane, une majorité de la population hondurienne est indignée par le vol pur et simple de l’élection dont ils ont été témoins, ce qui renforce l’instabilité pour les années à venir.

En reconnaissant Juan Orlando Hernández comme le président hondurien, le gouvernement libéral favorise les violations des droits de la personne et place les intérêts de quelques entreprises transnationales canadiennes au-dessus des droits de la population hondurienne et de la stabilité de la région.

* Ce texte est signé par les 25 organisations suivantes:
Alliance de la Fonction publique du Canada;
Association québécoise des organisations de coopération internationale (AQOCI);
Centre for Philippine Concerns;
Centre Justice et Foi;
CoDevelopment Canada;
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL);
Développement et Paix – Caritas Canada;
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec – FTQ;
Femmes de Diverses origines/Women of Diverse Origins;
Groupe Solidarité Justice (CND);
Groupe d’orientation politique pour les Amériques;
Inter Pares;
Les Soeurs Auxiliatrices du Québec;
Maquila Solidarity network;
Mer et Monde;
Mining Watch Canada;
Mining the Connections Working Group, Maritime Conference, United Church of Canada;
Nobel Women’s Initiative;
Projet Accompagnement Québec-Guatemala;
Réseau de solidarité de la région de l’Atlantique;
Syndicat canadien de la fonction publique;
Syndicat Les Métallos;
United Church of Canada;
United for Mining Justice;
USC Canada

 

Texte par: Jackie McVicar, Marie-Eve Marleau, Steve Stewart, Guillaume Charbonneau et Marie-Dominik Langlois
Réseau de solidarité de la région de l’Atlantique, Comité pour les droits humains en Amérique latine, CoDevelopment Canada et Inter Pares *

Source:Le Devoir

 

Photo: Orlando Sierra Agence France-Presse

En reconnaissant Juan Orlando Hernández comme président hondurien, le Canada place les intérêts de quelques entreprises transnationales canadiennes au-dessus des droits de la population hondurienne, estiment les auteurs.