HomeCommuniquéLa justice canadienne refuse d’enquêter sur le rôle de son ambassade au Mexique dans l’assassinat de Mariano Abarca

La justice canadienne refuse d’enquêter sur le rôle de son ambassade au Mexique dans l’assassinat de Mariano Abarca

Le juge de la Cour fédérale du Canada accepte la possibilité que Mariano Abarca n’aurait pas été assassiné si l’ambassade du Canada à Mexico avait agi autrement. Cependant, il nie avoir ordonné une enquête

Nous partageons le communiqué de presse de la famille Abarca, du Réseau mexicain des personnes affectées par l’exploitation minière (REMA), MiningWatch et d’Otros Mundos Chiapas concernant la décision du juge fédéral du Canada – 29 juillet 2019

(Chiapas, Mexico City, Ottawa, Toronto, Kamloops).- Dans un jugement rendu le 18 juillet, le juge fédéral canadien, Keith Boswell, a admis la possibilité que Mariano Abarca « n’ait peut-être pas été assassiné » si l’ambassade canadienne au Mexique « [avait] agi différemment ». Mariano Abarca était un leader de la communauté de Chicomuselo au Chiapas, assassiné le 27 novembre 2009 dans le cadre de la lutte contre les impacts sociaux et environnementaux générés par la mine de barite de la société minière canadienne Blackfire Exploration.

Cela a été déclaré en première instance dans le cadre d’une pousuite lancée par la famille Abarca pour demander la révision légale de la décision du commissaire à l’intégrité de l’administration publique du Canada qui a décidé de ne pas enquêter sur les actions et les omissions de l’ambassade canadienne à Mexico autour de la criminalisation et du meurtre de Mariano Abarca. Pour la famille Abarca, les mesures prises par l’ambassade mettaient la vie de Mariano Abarca plus en danger, notamment celle consistant à faire pression sur les autorités du Chiapas en faveur de Blackfire pour qu’elles mettent fin aux manifestations dans la communauté, même après avoir été avertie que Mariano était menacé. Cependant, et malgré son aveu de la pertinence de l’influence de l’ambassade dans l’assassinat, le juge Keith Boswell a nié ordonner au commissaire d’enquêter sur la conduite de l’ambassade.

En tant que famille – a répondu José Luis Abarca, fils de Mariano Abarca, présent à l’audience devant la Cour fédérale en mars dernier – « nous sommes totalement déçu.e.s de la décision, car nous avons parcouru un long chemin en quête de justice pour le meurtre de mon père, et nous ne comprenons pas comment le juge a reconnu que l’ambassade aurait pu agir différemment, ce qui aurait fait une différence pour que mon père reste en vie, et pourtant il refuse d’exécuter la l’investigation ».

Dans sa décision de 26 pages, le juge n’a consacré qu’un paragraphe de fond à l’analyse des faits avant de conclure qu’il était « raisonnable » de considérer que l’ambassade n’avait enfreint aucun code de conduite. Le juge semble fonder sa conclusion sur l’hypothèse selon laquelle les politiques en matière de responsabilité des entreprises, de corruption et de défense des droits humains identifiées par les plaignant.e.s ne sont pas contraignantes pour les fonctionnaires canadiens qui ont réagi au conflit social avec Blackfire. De plus, il a jugé « acceptable » la décision du commissaire de ne pas enquêter, sans avoir procédé à une évaluation sérieuse du grand intérêt du public à assurer une surveillance publique adéquate des actions d’agents publics canadiens dans le cadre de conflits miniers à travers le monde.

« Cette décision montre que le juge était très peu disposé à étudier et à analyser les preuves de manière approfondie, car il n’a pas examiné les arguments que nous avons présenté. La lecture de la décision ne cesse de nous surprendre. Le jugement révèle très peu de considération face à une situation aussi regrettable et grave d’intérêt public au Canada et dans plusieurs autres pays où des plaintes similaires de violations des droits humains par des sociétés minières persistent, avec le soutien et la protection du gouvernement canadien par le biais de leurs missions diplomatiques, perçues avec une méfiance croissante », a déclaré l’avocat de la famille Miguel Angel de los Santos.

« Cette décision est regrettable et il est très inquiétant qu’un juge ait admis que les directives que le gouvernement du Canada publie et reconnaît publiquement ne sont pas obligatoires pour le rendement des agents publics », a déclaré l’avocat Yavar Hameed, représentant de la famille Abarca et des organisations mexicaines et canadiennes devant le tribunal fédéral.

Pour Uriel Abarca Roblero, le frère de Mariano qui était également présent à l’audience du tribunal fédéral, la nouvelle de la décision ne l’a pas surpris. « En tant que famille, nous étions au courant de la difficulté pour qu’un tribunal canadien accepte une enquête sur le comportement d’agents de l’ambassade du Canada. Ne pas enquêter sur l’ambassade canadienne c’est avoir peur de connaître la vérité sur la manière dont les sociétés minières exercent leurs activités en Amérique latine, en particulier au Mexique et au Chiapas, où des responsables canadiens facilitent les opérations des sociétés minières canadiennes qui ont causé de graves dommages à l’environnement et violations des droits humains. Malgré la décision, nous n’abandonnerons pas la lutte et nous continuerons dans cette lutte pour la justice. »

Gustavo Castro, de l’organisation Otros Mundos Chiapas, également avocat plaidant dans cette affaire, estime que cette décision est emblématique d’un problème généralisé d’impunité pour le secteur minier canadien. « Le gouvernement canadien profite des activités minières à l’étranger et que nous ne voulions pas examiner le cas ou ordonner une enquête, que nos accusations soient fondées ou non, il est très clair: ils ne veulent pas enquêter son propre gouvernement. »

La famille Abarca, ainsi que les organisations Otros Mundos Chiapas, le Centre des droits humains de l’Université Autonome du Chiapas, le Réseau mexicain des personnes affectées par l’exploitation minière (REMA) et Alerte minière Canada ont soumis leur plainte initiale au Commissaire à l’intégrité de l’administration publique du Canada en février 2018. Après le refus du commissaire d’ouvrir une enquête en avril 2018, les plaidant.e.s ont annoncé son intention de porter plainte devant la Cour fédérale en mai 2018. Toutefois, face à cette décision frustrante, les plaidant.e.s réitèrent leur engagement de responsabiliser l’ambassade canadienne pour ses actes au cours des mois précédant le meurtre de Mariano. À cette fin, ils.elles se préparent à exercer leur droit d’appel devant la Cour d’appel fédérale.

Signez la pétition pour exiger justice pour Mariano Abarca devant la Cour fédérale du Canada

Pétition pour exiger justice pour Mariano Abarca devant la Cour fédérale du Canada

Pour en savoir plus :
– Yavar Hameed, Hameed Law, yhameed@hameedlaw.ca, (613) 627-2974
– Charis Kamphius, Justice and Corporate Accountability Project, ckamphuis@justice-project.org, 250-572-2625
– Kirsten Francescone (pour organiser des entrevues avec la famille Abarca ou avec les organisations mexicaines), kirsten@miningwatch.ca

Le blog Justicia para Mariano Abarca (en espagnol)

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Photo et source : Otros Mundos Chiapas