Publié par Emilia Delfino, Mongabay, le 16 novembre 2025
Ángel Pedro Valerio, leader asháninka et président de la Central Asháninka del Río Ene (CARE), qui représente 45 communautés asháninkas dans la province de Satipo, au Pérou, suspend momentanément ses préparatifs pour se rendre au sommet mondial sur le climat, la COP30, qui se tient à Belém do Pará, au Brésil. Il répond à l’appel de Mongabay Latam et explique qu’il est sur le point de partir avec trois autres membres de son organisation. Ses objectifs sont très clairs : se rendre en Amazonie brésilienne pour se présenter au monde entier. Là-bas, des représentants de plus de 190 pays, de nombreux peuples autochtones et des membres de la société civile du monde entier négocient et débattent du changement climatique.
Il ne se rend pas à la COP30 uniquement pour revendiquer, il veut montrer que son peuple a des solutions, qu’il peut contribuer à lutter contre la crise climatique et qu’il devrait, selon lui, recevoir directement les fonds internationaux destinés à cette fin. Il sait qu’il sera difficile d’obtenir des résultats, mais il y voit une opportunité.
—Quelles sont vos attentes pour la COP ?
—Nous avons beaucoup d’attentes en tant que Central Asháninka del Río Ene [CARE] car c’est la première fois que nous participons à cet événement important, un événement international auquel participent différents pays de la planète. Nous espérons vivement pouvoir positionner notre organisation au niveau international et trouver des alliés qui nous permettront de continuer à autonomiser nos frères asháninkas de différentes communautés autochtones, de leur donner plus d’outils pour consolider notre proposition, notre initiative de lutte contre les incendies de forêt, d’atténuation des incendies et surtout de prévention, des alliés qui pourront nous soutenir dans le financement des activités que nous menons.
—Quels sont les thèmes qui doivent figurer à l’ordre du jour des questions autochtones lors de la COP ?
—L’un d’entre eux est la protection des défenseurs des droits humains qui, selon la source AIDESEP [Association interethnique pour le développement de la jungle péruvienne], ont été assassinés au Pérou ces dernières années. On en compte 35, auxquels s’ajoute un autre récemment, soit 36 meurtres de nos frères leaders défenseurs des droits humains et, bien sûr, de l’environnement. Lors de cette COP, nous voulons mettre en lumière les risques encourus par ceux qui défendent les forêts dans le but d’atténuer le changement climatique. D’autre part, pour faire face au changement climatique, il est nécessaire que les pays qui financent la lutte contre le changement climatique travaillent directement avec les organisations autochtones.
—Vous avez parlé de financement, un thème central des COP, où l’on discute de la question de savoir si le Nord global doit financer le Sud global dans la transition énergétique, l’adaptation au changement climatique et les conséquences de la crise climatique. Vous proposez d’évaluer le financement accordé aux organisations autochtones ?
—Oui, chaque pays s’est engagé à injecter des fonds pour financer la lutte contre le changement climatique et réduire les émissions de dioxyde de carbone, par exemple. Ce que nous voulons et ce que nous apportons à Belém, c’est qu’ils puissent nous financer sur le plan climatique. Mais pas seulement cela, nous voulons aussi apporter des propositions pour résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Notre initiative porte sur les incendies afin de contribuer à la réduction des feux de forêt que nous voyons chaque année dans nos communautés.
Nous avons quatre programmes que nous voulons faire connaître afin de montrer l’importance des formations que nous dispensons à nos frères et sœurs, et aussi que grâce à des équipements technologiques, nous parvenons cette année à réduire les feux de forêt. Nous atténuons ainsi le changement climatique.
C’est pourquoi il est nécessaire que tous les pays qui financent la lutte contre le changement climatique travaillent directement avec les organisations représentatives. Ce que font tous les pays qui injectent des fonds, c’est passer par les États de chaque pays. Cependant, ces fonds ne parviennent pas directement aux organisations autochtones, et encore moins aux communautés autochtones qui défendent et donnent leur vie pour protéger leurs territoires et leurs forêts.
—Comment fonctionnent les programmes de prévention des incendies de forêt mis en place par votre organisation ?
—Nous avons commencé vers 2023, préoccupés par la situation dans laquelle nous nous trouvions à cause des incendies. Pour nous, le feu n’est pas quelque chose de mauvais. Sans feu, le peuple ne peut pas survivre, encore moins les peuples autochtones du monde. La culture du feu que nous avons dans nos communautés permet à nos frères asháninkas de cuisiner et de soigner. Ce à quoi nous nous opposons, ce sont les incendies. Les incendies sont des feux incontrôlés. C’est là que nous devons être très prudents, chaque communauté, chaque membre de la communauté doit être très prudent et contrôler le feu. La stratégie est donc née pour pouvoir, en principe, prévenir les incendies de forêt, les surveiller, les atténuer et, bien sûr, faire pression sur l’État pour que le feu ne soit pas diabolisé au Pérou. Nous voulons montrer que le feu n’est pas toujours mauvais, mais que nous pouvons le contrôler.
—Vous proposez d’apprendre à l’utiliser…
—Exactement. La question est de savoir comment l’utiliser. Avec ce projet, nous faisons pression sur l’appareil étatique, au niveau de la réglementation, afin que la gestion intégrale du feu soit prise en compte et que toutes les mesures ne soient pas punitives. Mais cela reste insuffisant, car nous n’avons pas les moyens financiers de continuer à autonomiser nos frères, à les former et à les éduquer. Nous avons déjà des pompiers volontaires qui se préparent à se consacrer à la prévention, au contrôle et à la maîtrise des technologies telles que le GPS et les drones, qui permettent de surveiller notre territoire.
—Vous avez évoqué les assassinats de défenseurs de l’environnement et du territoire. Dans la région, on assiste également à une criminalisation des défenseurs par les États et les entreprises. Sera-t-il question d’aborder ce sujet lors de cette COP dans le cadre de l’agenda autochtone ?
—C’est une situation très triste et préoccupante, car l’État péruvien ne protège pas ces véritables défenseurs. Les assassinats sont dus au manque de protection de l’État lui-même. D’autre part, on constate également dans notre pays que les défenseurs des droits humains sont criminalisés simplement parce qu’ils défendent leur territoire, simplement parce qu’ils défendent les droits collectifs et revendiquent les droits qui reviennent à chaque communauté. Ceux qui protestent, qui luttent contre le trafic illicite de drogues, l’abattage illégal, l’exploitation minière, sont souvent criminalisés parce qu’on veut les faire taire. Nous aimerions que ces questions soient abordées lors de la COP, mais nous n’avons aucune représentativité au niveau international, on ne nous prend pas en compte. Les États eux-mêmes ne nous accordent pas ces espaces.
Je pense que si nous voulons réduire et atténuer le changement climatique, il est important de parler de la criminalisation des défenseurs des droits humains, car ce sont eux qui travaillent réellement au quotidien.
—Certaines organisations et certaines personnalités autochtones de la région affirment qu’elles n’ont aucune attente quant à la capacité de cette COP à répondre aux revendications des peuples autochtones. Vous semblez plus enthousiaste. Face à ce découragement, que souhaitez-vous leur dire ?
—Pour nous, c’est une opportunité, mais je comprends aussi qu’il ne soit pas possible d’obtenir ce que nous recherchons, à savoir des financements directs provenant des fonds verts pour les organisations autochtones. Toutes les organisations autochtones devraient lutter davantage ensemble pour y parvenir. Cependant, c’est une excellente occasion de faire entendre notre voix et d’expliquer comment les peuples autochtones contribuent à la réduction et à l’atténuation du changement climatique grâce à leurs initiatives. Mais il est également important que les États connaissent et comprennent l’importance de nos contributions pour respecter les engagements pris dans l’accord de Paris. Nous n’allons donc pas nous contenter de nous plaindre, mais aussi montrer notre initiative, ce que nous faisons et ce que nous apportons à la réduction du changement climatique. Nous sommes constamment confrontés au problème du trafic de drogue et de la culture illégale de la feuille de coca, qui est également polluante. C’est pourquoi nous formons nos comités d’autodéfense à la surveillance du territoire afin d’empêcher les invasions, la déforestation massive et la pollution de l’environnement. Je sais que les perspectives ne sont pas très encourageantes, mais il est important de faire savoir que nous ne nous contentons pas de demander, mais que nous apportons également notre contribution. Dans ce contexte, il est important que notre État puisse nous prendre en considération.
Source: https://es.mongabay.com/2025/11/cop30-visibilizar-riesgos-defensores-indigenas-entrevista/