HomeCommuniquéColombie: Nous demandons la vérité

Colombie: Nous demandons la vérité

14 juin 2021

Le mouvement Ríos Vivos Colombia renvoie un appel aux organes administratifs et aux différents départements de l’Université d’Antioquia, en particulier le Rectorat et l’Association des Professeurs (Asoprudea) afin qu’ils mènent une réflexion profonde sur leurs rôles concernant les procédures irrégulières menées dans la zone administrée par le projet énergétique Hidroituango. Ses procédures sont liées à l’identification, l’exhumation et le transfert des corps, dans le cadre d’un accord avec Empresas Públicas de Medellín (EPM) et l’entreprise Integral S.A.. Puisqu’il est question de notoriété publique, ses actions font l’objet d’un processus de mesures conservatoires devant la Juridiction spéciale pour la Paix (JEP) en raison des irrégularités constatées à travers les enquêtes qui ont été menées jusqu’à présent.

Après l’audience publique tenue par le JEP le 1er juin 2021, et en tenant compte du rapport présenté par l’Unité d’enquête et d’analyse du JEP, nous confirmons que les procédures menées par l’Université ont bafoué la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition. Il faut souligner que l’exécution des procédures a consolidé une situation d’impunité, étant donné la difficulté d’élucider les cas d’assassinats, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées. De même, ses actions ont été menées au mépris des normes juridiques, des critères techniques et éthiques considérant qu’elles ont altéré les preuves susceptibles de mener une enquête qui divulgue l’occurrence des crimes et la possibilité de retrouver les personnes disparues.

La manipulation des corps transférés au laboratoire d’ostéologie s’est faite de manière incompréhensible, irrespectueuse et scandaleuse : conditions inadéquates (humidité et autres), mauvais état des conteneurs, absence de plusieurs supports d’informations et photographiques indispensables, prélèvement inapproprié, lavage des vêtements, etc.  Cette triste réalité relève d’une grave négligence dans la prise en charge des corps transférés à l’Université d’Antioquia.

Les raisons qui ont mené au transfert des corps des personnes présentant des altérations restent inexplicables. Il n’est pas acceptable que celles et ceux qui représentent l’Université dans ce processus avec le JEP continuent de se cacher derrière les clauses contractuelles de l’accord avec Integral et EPM, pour justifier la violation des droits fondamentaux des victimes.

Depuis de nombreuses années, nous sommes témoins de la mise en place d’une stratégie qui vise à faire disparaître nos disparus, soutenue par des actions négligentes de la part de différentes entités publiques qui ne se sont pas montrées garantes de nos droits. En plus de l’absence d’actions rigoureuses pour rechercher les personnes portées disparues, cette action de l’Université d’Antioquia dilapide les efforts collectifs pour la découverte de la vérité.

L’Université d’Antioquia s’efforce de montrer ou de « prétendre » son engagement pour la paix, face à une situation où il y a eu violation des droits des victimes. Paradoxalement, l’Université hésite d’accepter sa responsabilité, de contribuer à la vérité et de générer des espaces de dialogue pour construire des accords permettant de réparer les dommages causés. Ces réparations ne peuvent être réduites à des mesures palliatives, elles doivent envisager toutes les possibilités selon les objectifs de la mission de l’Alma Mater. Nous espérons que l’engagement pour la paix transcende le discours et se matérialise par des actions concrètes, dont la reconnaissance des actions qui ont nui aux droits des victimes. Il est inacceptable qu’au lieu de cela, on exerce des défenses juridiques honteuses qui cherchent à cacher la vérité, en recourant à des astuces juridiques qui frisent la tricherie et offensent la mémoire des victimes.

De même, nous attirons l’attention du personnel enseignant affilié à Asoprudea. La clarification de ce qui s’est passé ne se fera pas en organisant des événements pour défendre les personnes impliquées dans les actions irrégulières dénoncées. Nous regrettons que l’esprit critique, proclamé et défendu comme une valeur fondamentale de l’exercice de l’enseignement disparaisse lorsque la personne concernée est membre de cette même association. Nous ne voulons attaquer personne, car nos aspirations visent d’abord la quête de justice et de dignité, la clarification de la vérité et la défense de la mémoire historique.

En tant que victimes du conflit armé, de la violence sociopolitique et du mégaprojet Hidroituango, nous réitérons l’invitation faite il y a quelque temps, où nous avons convoqué les organes administratifs de l’Université, au nom de la vérité et de l’impunité. Nous pensons que ce cas ne peut être réduit à une simple attribution de responsabilité individuelle envers les personnes directement impliquées dans l’entente, mais plutôt à une responsabilité collective. De cette manière, il sera possible de garantir une réparation des dommages causés, fondée sur la dignité des victimes.

Des rivières pour la vie et non pour la mort !

Source: Movimiento Rios Vivos

Source photo: Movimiento Rios Vivos Twitter