Tribunal Permanent des Peuples – Canada

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Le Tribunal permanent des peuples (TPP), fondé en 1979 par l’avocat et sénateur italien Lelio Basso, est un tribunal d’opinion s’inspirant des travaux du philosophe Bertrand Russell, qui a mené en 1966 un tribunal international d’opinion sur les crimes de guerre au Vietnam. Le TPP a été formellement inauguré par des juristes engagés, des militants pour les droits de la personne et des récipiendaires du Prix Nobel de la Paix. Le Tribunal s’appuie sur les instruments du droit international, dont les principes de la Déclaration d’Alger de 1976 sur les droits fondamentaux des peuples et la Déclaration sur les droits des peuples autochtones de 2007. Les différents chapitres du TPP ont cherché à lutter contre l’impunité et à promouvoir le respect des droits, l’accès à la justice et la réappropriation des instruments des droits humains par les peuples.

Des tribunaux d’opinion en relation avec les impacts de l’extraction minière ont été réalisés entre autres en Colombie, au Mexique, en Argentine et au Chili. Malgré la place centrale du Canada dans l’industrie minière mondiale, la question spécifique de l’industrie minière canadienne n’a jusqu’à présent jamais été abordée au Canada dans le cadre d’un tribunal d’opinion.

Selon des sources officielles du gouvernement canadien, plus de 60% des entreprises minières dans le monde sont enregistrées au Canada. Avec des lois, une fiscalité et une politique étrangère favorables aux entreprises extractives, le Canada offre un contexte florissant pour l’industrie minière.

Pourtant, les mégaprojets extractifs sont aujourd’hui une cause majeure d’atteintes aux droits des collectivités. En Amérique latine, on recense près de 200 conflits sociaux opposant les communautés, compagnies minières et gouvernements sur la question minière. Pour les personnes et collectivités dont les droits sont bafoués par les activités minières, de nombreuses barrières dans l’accès à la justice existent.

Le boom des prix des métaux dans les années 2000 a entraîné une forte expansion des activités minières. Les communautés se retrouvent face à des compagnies extractives qui, avec des moyens économiques et politiques disproportionnés par rapport aux leurs, opèrent dans des régions habitées et des écosystèmes fragiles, souvent situés sur des territoires autochtones. La recherche de nouveaux gisements et l’exploitation laissent des traces souvent irréversibles sur la vie sociale des communautés et leurs milieux de vie.

Les techniques modernes d’exploitation à ciel ouvert ont des conséquences environnementales majeures : contamination des cours d’eau et des nappes phréatiques par le cyanure et autres produits toxiques, emploi de volumes d’eau importants, déforestation et dégradation des forêts, etc.

« Les compagnies minières rejettent plus de 180 millions de tonnes de résidus miniers dangereux chaque année dans les rivières, lacs et les océans à travers le monde, contaminant les cours d’eau avec des métaux lourds toxiques et d’autres produits chimiques dangereux pour les humains et la nature » Earthworks et MiningWatch Canada, 2012

L’extraction minière s’accompagne aussi d’une fragilisation du droit à défendre ses droits. Les menaces et procédures judiciaires contre les défenseurs des droits humains, la corruption ou cooptation des autorités locales sont fréquentes.

Quels sont les impacts sociaux et environnementaux des activités minières? Certains droits sont-ils particulièrement fragiles dans une situation d’extraction minière? Par quels mécanismes le Canada appuie-t-il le déploiement de l’industrie minière mondiale?

Voici quelques questions auxquelles s’attardera la session Canada du TPP. Le Tribunal portera une attention particulière aux droits des peuples autochtones et aux droits des femmes, ainsi qu’à des droits reconnus comme vulnérables dans un contexte d’extraction :

  • droit à la vie et à un environnement sain
  • droit des peuples à l’autodétermination
  • droit à une citoyenneté pleine

La session Canada du Tribunal Permanent des peuples s’intéressera au rôle et à la responsabilité de deux catégories d’acteurs dans les atteintes aux droits: les entreprises minières et les organes de l’État canadien qui contribuent au déploiement de l’industrie via divers mécanismes politiques et économiques. Une coalition large d’organisations du Québec, du Canada et d’ailleurs travaille à la réalisation pour 2014-2016 de cette iniciative. Notre coalition se propose d’examiner les tendances qui font aujourd’hui des activités extractives une cause majeure de violations des droits et de dommages environnementaux dans le monde. Le Comité pour les droits humains en Amérique latine – CDHAL est une des organisations coordinatrices de ce projet.

Notre regroupement comprend des organisations engagées pour la solidarité internationale, des groupes écologistes, féministes et autochtones, des syndicats, des groupes de recherche universitaire et des organismes de défense des droits humains. La première audience de la session Canada portera sur l’industrie minière en Amérique latine – nous envisageons ensuite d’autres audiences géographiques- entre le 29 mai et le 1er juin 2014 à Montréal (Québec).

Le projet de Tribunal s’inscrit par ailleurs dans l’objectif de renforcer les campagnes d’éducation et de plaidoyer déjà existantes au Québec et au Canada – par exemple les campagnes 2013 du RCRCE et de Développement et Paix – et de contribuer à y canaliser un soutien vaste. Le Tribunal contribuera à créer une synergie entre ces différents efforts, en plus de constituer un espace de réflexion sur l’application de normes propres à obliger les compagnies minières à considérer leurs droits corporatifs comme une variable dépendante du respect des droits de la personne et des collectivités. La compilation, le partage et la systématisation de la documentation sur la problématique minière, de même que la création d’outils de diffusion et de vulgarisation, pourront fournir des outils supplémentaires aux collectifs et organismes qui travaillent à la transformation sociale.

Le Tribunal se veut  à la fois un chantier de recherche, une tribune et un espace d’échange pour les personnes et collectivités affectées par l’industrie minière au Canada et dans le monde. Des témoins et expertEs seront amenéEs à témoigner devant un jury composé de personnalités publiques de différents pays, expertises et parcours. Il s’agira de la première session du Tribunal permanent des peuples à avoir lieu au Canada.

www.tpp.cdhal.org

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Références :

Carrere, Ricardo (2004). Industrie minière : Impacts sur la société et l’environnement. Montevideo (Uruguay) Mouvement Mondial pour les Forêts Tropicales.

EarthWorks et Mining Watch Canada (2012).  »Troubled Waters ».

Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, Canada. « Responsabilité sociale des entreprises ».

Site de l’Observatoire sur les conflits miniers en Amérique latine (OCMAL).