HomeCommuniquéDes organisations sociales exigent que le gouvernement de Veracruz prenne des mesures pour mettre fin aux assassinats de journalistes et d’environnementalistes dans l’état

Des organisations sociales exigent que le gouvernement de Veracruz prenne des mesures pour mettre fin aux assassinats de journalistes et d’environnementalistes dans l’état

Montréal, Canada, le 27 avril 2020

Mtro. Cuitláhuac García Jiménez
Gouverneur de l’État de Veracruz

Olga Sánchez Cordero
Secrétaire à la gouvernance du gouvernement fédéral

Cc: Lic. Andrés Manuel López Obrador
Président de la République mexicaine

Eric Patrocinio Cisneros Burgos
Secrétaire du gouvernement de l’État de Veracruz

Juan José Gómez Camacho
Ambassadeur du Mexique au Canadá

Alejandro Estivill Castro
Consul du Mexique à Montreal

Mazen Mahfouz
Directeur Adjoint – Relations politiques et économiques, Mexique, Affaires mondiales Canada

Objet: Justice et protection des militant.e.s et les journalistes dans l’État de Veracruz.

Aux autorités mexicaines,

Au nom d’organisations sociales canadiennes et internationales, par le biais du Comité pour les Droits humains en Amérique latine (CDHAL), nous désirons exprimer nos préoccupations et notre indignation face aux récents assassinats de la journaliste María Elena Ferral, le 30 mars, dans la ville de Papantla; et du militant Adán Vez Lira, le 8 avril dans la municipalité d’Actopan Veracruz.

Être journaliste à Veracruz

Veracruz est l’un des endroits les plus dangereux du Mexique et de l’Amérique latine; un lieu où la liberté d’expression et le droit à l’information sont bafoués. Depuis 2011, il y a eu vingt-deux meurtres de journalistes (1); Deux d’entre eux se sont produits sous le mandat du gouverneur M. Cuitláhuac García Jiménez (2). C’est pourquoi nous nous joignons à l’appel lancé par les journalistes: «Au Mexique et à Veracruz, ils tuent des journalistes. Les criminels veulent, peuvent et se permettent de telles actions parce qu’ils se savent en toute impunité ».

Il convient de noter que les menaces contre María Elena Ferral se sont intensifiées lorsqu’elle a commencé à dénoncer publiquement les plus de 76 meurtres qui ont été commis dans la région de Totonacapan depuis janvier 2019 . À cela s’ajoute la pression mise sur le territoire et ses ressources naturelles par les projets de fracturation hydraulique, de gazoducs et d’exploitation pétrolière qui réactivent de vieux conflits causés par le manque de régularisation foncière et la forte expansion de l’élevage industriel.

Maria Elena est la quatrième journaliste assassinée depuis 2011 . Or, quinze jours après sa mort, nous n’avons toujours aucun indice concernant l’avancement de l’enquête et aucune accusation n’a été portée, et ce, bien qu’il s’agisse d’un cas de féminicide perpétré envers une journaliste. Il ne faut pas oublier que le Mexique a le taux le plus élevé de féminicides au monde; des crimes dont la vaste majorité demeure impunie. Qui plus est, en 2019 sur les 976 féminicides comptabilisés à l’échelle nationale, 157 s’étaient produits à Veracruz.

En tant qu’organisation, nous sommes préoccupé.e.s de l’impunité et de l’absence d’efforts pour obtenir justice face à tant d’actes de violence dans l’État de Veracruz. Il manque en effet de mécanismes et de protocoles pour protéger les journalistes, à commencer par des conditions de travail dignes.

Impunité et meurtres de militant.e.s pour les droits humains

En 2018, avec le changement politique au Mexique, nous étions convaincus que les actes de corruption, les meurtre et les enlèvements diminueraient considérablement. Cependant, les assassinats de militant.e.s et de journalistes n’ont pas cessé. Au contraire, même, la situation s’est aggravée: depuis le début du mandat du gouvernement actuel, un peu plus de 12 militant.e.s ont été assassiné.e.s et aucun de ces meurtres n’a mené à des sanctions, ni pour les perpétratrices-teurs ni pour les personnes qui en ont donné l’ordre. Deux de ces meurtres ont eu lieu à Veracruz.
Voici une liste qui démontre l’ampleur de l’impunité des assassinats perpétrés contre les militant.e.s depuis le changement de gouvernement:

– En janvier 2019, Noé Jiménez Pablo et José Santiago Álvarez Gómez, membres du
CNPA-MOCRI, ont été tués dans la municipalité d’Amatan au Chiapas; ils militaient pour la défense du fleuve contre des producteurs régionaux de gravier.
– En février 2019, Samir Flores, chef de la communauté d’Amilcingo Morelos, a été assassiné pour avoir défendu le territoire contre une centrale thermoélectrique construite à la périphérie de sa municipalité.
– En mai 2019, Otilia Martínez Cruz et son fils Gregorio Chaparro Cruz, membre du peuple autochtone Rarámuris qui ont protégé les forêts contre l’exploitation forestière illégale, ont été tués dans la municipalité de Guadalupe y Calvo Chihuahua.
– En juin 2019, Luis Álvarez Flores, protecteur de l’habitat des singes hurleurs
dans la jungle de Lacandon, a été assassiné à Palenque, Chiapas, pour avoir défendu la rivière Usumacinta contre l’extraction de bancs de sable.
– Le 11 octobre 2019, Isaías Cantú Carrasco, figure d’autorité autochtone et
protecteur du territoire contre les compagnies minières, a été exécuté dans la municipalité de Malinaltepec à Guerrero avec l’aide du crime organisé.
– Le 16 décembre 2019, le corps de Josué Bernardo Marcial alias «Tío Band», artiste membre de différents groupes de défense du mont Santa Marta, au sud de Veracruz a été retrouvé dans la municipalité de Sayula de Alemán, Veracruz.
– Début 2020, Homero Gómez, défenseur du sanctuaire des papillons monarques et
contre l’exploitation forestière clandestine dans l’État du Michoacán, a été assassiné dans la municipalité d’Ocampo.
– Le 22 mars 2020, Paulina Gómez, défenseure du désert de Wirikuta contre l’exploitation minière, a été retrouvée morte dans l’État de Zacatecas deux jours après le signalement de sa disparition.
– Le 23 mars 2020, Isaac Medardo, avocat spécialiste de l’environnement, a été
assassiné sur le pas de sa maison dans la municipalité de Jiutepec Morelos.
– Le 8 avril 2020, Adán Vez Lira a été abattu d’une balle dans la tête alors qu’il voyageait à moto sur la route côtière d’Actopan, à Veracruz, pour se rendre à un faux rendez-vous planifié par ses assaillants.

Le harcèlement et la criminalisation des défenseur.e.s du territoire de Veracruz se sont intensifiés depuis 2012. Dans les municipalités d’Actopan et Alto Lucero seulement, deux projets ont engendré des critiques populaires: l’éventuel mine Caballo Blanco située sur la colline «La Paila» et appartenant à la société minière canadienne Candelaria Mining Corp; et la mine appelée «El Cobre» qui est en phase d’exploration dans la communauté de Palma Sola, qui appartient également à une société canadienne, Almaden Minerals. De nombreux opposant.e.s à ces projets miniers ont fait l’objet d’intimidation et de menaces. En août 2013 par exemple, Noé Vásquez, membre du Mouvement mexicain contre les barrages et pour la défense des rivières (MAPDER), a été assassiné dans la municipalité d’Amatlán de los Reyes. Les assassins ont été condamnés des années plus tard, mais ceci n’aurait pas été possible sans la pression exercée par les organisations nationales et internationales de défense des droits humains qui ont demandé justice et prêté attention à la situation dans l’État de Veracruz. Néanmoins, les vrai.e.s responsables de ces meurtres, c’est-à-dire les personnes qui ont conclu un contrat avec les assassins, demeurent à ce jour impuni.e.s.

Le cas d’Adan Lira: militant écologiste et défenseur du territoire

Suite au meurtre d’Adán Lira, d’importantes craintes refont aujourd’hui surface à Veracruz. Adán Vez Lira était un militant environnementaliste reconnu depuis les trois dernières décennies dans la zone côtière de Veracruz. Il était un protecteur aguerri de la mangrove au sein d’une prestigieuse organisation locale, membre de la coopérative d’écotourisme La Mancha, S.S.S composée de plusieurs familles.

Malgré son assassinat, Adán reste une figure importante pour de nombreux militant.e.s du territoire qui défendent la vie à Veracruz et qui luttent contre: l’expansion éventuelle d’un réacteur de la centrale nucléaire de Laguna Verdeè l’imposition des deux projets miniers liés aux investisseurs canadiens (mentionnés ci-dessus) en plus de l’expansion de la route côtière qui relie le sud du golfe du Mexique à la partie nord du pays et aux États-Unis.

En tant qu’organisation de défense des droits humains, nous avons passé de nombreuses années à surveiller la situation de la criminalisation, de la persécution et des assassinats de militant.e.s au Mexique. Nous avons de vives préoccupations concernant la sécurité de la population menacée par les mégaprojets ainsi que pour la protection des journalistes. Uniquement dans la région de Veracruz, nous avons connaissance d’au moins 15 conflits environnementaux liés à la défense de l’eau, des terres et des forêts. En l’absence de réponses suffisantes de la part du gouvernement fédéral, de l’État et de la municipalité, les communautés et les mouvements ont demandé l’annulation totale des projets.

Au Mexique, après 2018 et avec les nouveaux gouvernements étatiques et fédéraux des 4T, la prise de mesures et d’actions concrètes devient nécessaire. Il faut mettre en place des mécanismes efficaces pouvant garantir le respect des droits humains ainsi que la reconnaissance des militant.e.s écologistes. En fonction de tout ce qui précède, nous demandons:

1. Que le gouvernement mexicain garantisse la protection des familles de María Elena Ferral et Adán Vez Lira, ainsi que les membres de la coopérative d’écotourisme La Mancha.

2. Que soient tenues des enquêtes sur les assassinats de María Elena Ferral y de Adán Vez Lira et que ces meurtres soient punis.

3. Qu’en ces temps de pandémie, soient améliorés et mis en place des moyens de garantir la sécurité des communautés, des collectifs et des militant.e.s qui défendent le territoire, ainsi que les journalistes et figures publiques des régions touchées par des conflits.

4. Que le gouvernement de Veracruz reconnaisse les défensseur.e.s du territoire et de la vie et, conséquemment, qu’il les protège et offre toutes les garanties nécessaires afin de pouvoir poursuivre leurs activités destinées au bien-être collectif.

5. Que les différents organes gouvernementaux ainsi que les organisations nationales et étatiques s’impliquent concrètement afin de trouver des solutions.

Nous lançons ainsi un appel criant aux différents gouvernements, en particulier au gouverneur de Veracruz, C. Cuitláhuac García Jiménez, ainsi qu’à Mme Olga Sánchez Cordero, chef du ministère de l’Intérieur afin d’obtenir des réponses aux demandes des différentes organisations et groupes dont étaient membres les militant.e.s décédés.

Organisations signataires :
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL). Canada
MiningWatch Canada
Institut For Policy Studies – Program Global Economy
Centre International de Solidarité Ouvrière (CISO)
Nobel Women’s Initiative, Canada
Common Frontiers
CoDevelopment Canada
UNIFOR / Unión de Sindicalistas de Canada
The United Steelworkers – Métallos, Canada
Canadian Ecumenical Justice Initiatives/Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice
Tradener / Ekologistak Martxan. País Vasco, Espagne
Ej Atlas – Global Atlas Of Enviromental Justice. Barcelona, Espagne
La Asamblea Veracruzana de Iniciativas y Defensa Ambiental. Mexique
Red Mexicana de Afectados por la Minería (REMA) Mexique
Bios Iguana A.C. Mexique
Geo-Comunes. Mexique
La Sandía Digital. Mexique
Centro de Capacitación y Defensa de los Derechos Humanos e Indígenas, Mexique
Conseil central du Montréal métropolitain de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Canada
Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ), Canada