Publié par Convergencia 31 de Enero, 31 janvier 2025.
La « Convergence du 31 janvier » (Convergencia 31 de Enero) est un espace dans lequel se réunissent des particuliers et différentes organisations nationales et internationales afin de commémorer le massacre ayant eu lieu à l’ambassade d’Espagne, il y a de cela 45 ans. Nous tenons à rappeler les faits suivants :
- Le 31 janvier 1980, un groupe de paysans autochtones du nord de Quiché, accompagnés d’autres paysans du Comité pour l’unité paysanne (CUC), de chrétiens, de colons et soutenus par d’autres organisations et personnes de l’ambassade d’Espagne, ainsi que par le gouvernement espagnol, ont été attaqués dans le nord de Quiché.
En réaction, des chrétiens, des villageois et des étudiants du Front révolutionnaire étudiant Robin García (FERG), de l’Université San Carlos du Guatemala (USAC) et de l’école secondaire ont occupé pacifiquement l’ambassade d’Espagne pour dénoncer la répression et la persécution par l’armée nationale. Ils ont demandé qu’une commission d’enquête soit mise en place.
L’occupation de l’ambassade d’Espagne était une mesure extraordinaire, s’inscrivant dans un contexte de fermeture des espaces démocratiques et au fait que les demandes du peuple n’étaient pas entendues.
La réponse du gouvernement terroriste du général Romeo Lucas García a été d’entrer dans le bâtiment, de violer l’extraterritorialité de la délégation diplomatique, d’incendier les locaux et de massacrer les occupants. Cette action a entraîné la mort de 37 personnes, dont des paysans, des ouvriers, des villageois, des chrétiens, des étudiants, des visiteurs et des membres du personnel administratif de l’ambassade.
L’ambassadeur Máximo Cajal et le paysan Gregorio Yujá Xona ont survécu à l’hécatombe, ce dernier ayant été enlevé de l’hôpital où il avait été emmené pour soigner ses brûlures. Il fut ensuite assassiné et son corps jeté devant le presbytère de l’USAC.
- Avant le départ du cortège funèbre des massacrés, le 2 février, les étudiants Gustavo Adolfo Hernández et Jesús Alberto España, membres du FERG de la faculté de médecine et de droit respectivement, qui avaient participé à la veillée funèbre des victimes dans l’auditorium de l’université, ont été assassinés.
- Le 19 janvier 2015, le Premier tribunal de condamnation pénale, de trafic de stupéfiants et de crimes contre l’environnement a rendu son jugement dans le procès contre Pedro García Arredondo, ancien lieutenant-colonel de la police nationale et ancien premier chef du sixième corps de commandement. Le jugement a déterminé que les dommages causés sont « inquantifiables et irréparables pour les raisons suivantes : I) la vie de jeunes personnes productives, du personnel diplomatique, de professionnels, de femmes, a été niée d’une manière méprisable et irrationnelle, le siège diplomatique de l’ambassade d’Espagne a été violé […] La stigmatisation, le mépris et le rejet avec lesquels les victimes ont dû vivre, sous le contrôle, la surveillance, la persécution et l’assassinat par l’accusé et les personnes sous ses ordres […] et les souffrances collatérales que leurs familles ont dû endurer, qui ont été traitées avec mépris, déshonneur et déconsidération ».
Le point VII punit les crimes d’assassinat, de tentative d’assassinat et de crime de lèse-humanité. Cette phrase reflète l’importance pour le Guatemala de veiller à ce que la justice retrouve son indépendance et ne soit pas conditionnée par la corruption et d’impunité afin de favoriser l’autoritarisme des élites prédatrices, mais qu’au contraire elle garantisse la non-répétition des crimes contre la vie et l’intégrité des personnes qui ont causé tant de dommages à notre pays.
- Malheureusement, les causes structurelles qui ont motivé les luttes sociales, telles que le racisme, la dépossession des terres et des ressources naturelles, l’exploitation, l’inégalité et autres, n’ont pas été surmontées. De même, la répression n’appartient pas au passé, mais est toujours présente, avec d’autres modalités telles que l’assassinat d’autorités autochtones ancestrales et de dirigeants communautaires, la criminalisation des défenseurs de la Terre Mère, des défenseurs des droits humains, des étudiants, des journalistes et des personnes qui ont essayé d’exercer leurs fonctions au sein de l’État d’une manière correcte et honorable.
Au Guatemala, nous avons aujourd’hui un ministère public et un système judiciaire cooptés par ce qui a été appelé le Pacte criminel de corruption et d’impunité, qui sert à protéger ceux qui ont été poursuivis pour crimes contre l’humanité et à empêcher de nouveaux procès, à persécuter ceux qui veulent que le pays ait une véritable démocratie et un État au service du peuple, et à défendre les corrompus.
En tant que pays, nous régressons en termes de droits humain et d’accès à une justice rapide et intégrale lorsque des personnes accusées et/ou condamnées pour leur participation à des massacres, des meurtres, des violations des droits humains et des crimes contre l’humanité sont libérées de prison.
Cette impunité généralisée reste un pilier de l’injustice actuelle, des violations des droits de l’homme et de l’accès limité à la justice.
C’EST POURQUOI:
- Nous rendons hommage à nos héros et héroïnes, exemples de lutte, d’organisation et de détermination pour le bien commun, qui se sont littéralement sacrifiés dans une action commune pour changer ce pays.
- Nous exigeons que l’État du Guatemala assume la responsabilité de ce qui s’est passé et prenne les mesures appropriées pour garantir la justice et l’indemnisation des familles des victimes.
- Nous condamnons le fait que les institutions chargées d’appliquer la justice – le ministère public, le pouvoir judiciaire et la Cour constitutionnelle – soient actuellement utilisées pour maintenir l’impunité.
Nous exigeons du pouvoir judiciaire qu’il respecte les obligations qui lui incombent en vertu de la législation nationale et des conventions internationales en matière de protection des droits de l’homme et d’engagement de non-répétition.
- Nous exigeons la fin de la répression contre les défenseurs des droits humains, les défenseurs de la Terre Mère, les étudiants, les journalistes et les personnes qui cherchent honnêtement à défendre la justice et la démocratie.
- Nous appelons les organisations populaires, démocratiques et progressistes à renforcer l’organisation, les luttes et les alliances pour construire une société juste, solidaire, dans laquelle toutes les personnes et tous les peuples ont une vie digne.
45 ans après le massacre de l’ambassade d’Espagne, nous n’oublions pas nos héroïnes et nos héros. La lutte continue !