Publié par APG/GOPA, 25 avril 2025
Madame la Ministre Joly,
Veuillez accepter les salutations les plus chaleureuses du Groupe d’orientation politique pour les Amériques (GOPA). Le GOPA est un réseau national d’organisations de la société civile canadienne œuvrant pour les droits humains, la justice sociale et environnementale en Amérique latine et dans les Caraïbes. Il rassemble plus de vingt ONG internationales de développement et d’aide humanitaire, des organisations de défense des droits humains, des syndicats, des groupes religieux et de solidarité, ainsi que des instituts de recherche.
Nous vous écrivons pour vous faire part de notre profonde inquiétude concernant la récente détention et la criminalisation des autorités indigènes K’iche’ des 48 Cantones de Totonicapán. Le 23 avril 2025, les autorités guatémaltèques ont arrêté Luis Pacheco, vice-ministre du développement durable au ministère de l’énergie et des mines du Guatemala et ancien président des 48 Cantones, ainsi que Héctor Chaclán, ancien trésorier des 48 Cantones. Tous deux sont accusés de sédition, de terrorisme, d’entrave à la justice, d’association illicite et d’entrave à la procédure judiciaire. Trois autres mandats d’arrêt ont été délivrés à l’encontre d’autres anciens membres de la direction des 48 Cantones. Ces actions s’inscrivent dans le cadre d’un effort plus large du ministère public guatémaltèque visant à criminaliser les autorités indigènes qui facilitent l’exercice légitime de la démocratie participative.
Depuis octobre 2023, les peuples indigènes du Guatemala, par le biais de leurs systèmes de prise de décision ancestraux et fondés sur l’assemblée, ainsi que d’autres organisations sociales et territoriales, ont lancé une grève nationale pour défendre la victoire électorale du président Bernardo Arévalo et la volonté populaire exprimée dans les urnes. Ce mouvement, qui s’est étendu à plus de 150 points de résistance dans tout le pays, a été une puissante expression de démocratie vivante, menée par des autorités indigènes qui ont pris l’initiative de protéger le processus démocratique. Les accusations actuelles, qui qualifient cette mobilisation pacifique de « terrorisme », représentent une escalade alarmante dans la persécution politique des défenseurs des droits humains.
Cette répression doit être comprise dans un contexte politique plus large. La procureure générale María Consuelo Porras, alignée sur le réseau de corruption institutionnelle Pacto de Corruptos, a mené des efforts pour annuler les résultats des élections de 2023. Bien qu’elle soit inscrite sur la liste noire de la communauté internationale – y compris les sanctions imposées par le gouvernement canadien pour son rôle dans l’affaiblissement de la démocratie et de l’État de droit – Porras reste en poste et continue d’entraver le programme de lutte contre la corruption du président Arévalo. N’ayant pas le pouvoir de la révoquer, l’administration Arévalo a dû faire face à des poursuites continues, motivées par des considérations politiques, contre des journalistes indépendants, des procureurs, des juges et des membres de son propre gouvernement, y compris le président lui-même. L’arrestation de Luis Pacheco et Héctor Chaclán est la dernière manifestation de cette crise qui s’aggrave.
Nous pensons qu’il est essentiel que la communauté internationale adopte une position ferme et énergique contre la criminalisation et la violence à l’encontre des défenseurs des droits humains. Sur les réseaux sociaux, le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro, a « profondément » regretté la détention de M. Pacheco et l’a qualifiée de « persécution politique ». Le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits humains (HCDH) au Guatemala a fait écho à cette déclaration et, dans un communiqué, a exprimé sa préoccupation quant à « l’utilisation abusive du droit pénal par des acteurs du ministère public et du système judiciaire contre la défense des droits humains ». De même, le 28 avril, l’ambassade britannique au Guatemala a exprimé sur les médias sociaux sa « profonde inquiétude face aux persécutions subies par Luis Pacheco et les autorités indigènes des 48 Cantones de Totonicapán », soulignant que « l’utilisation du système judiciaire comme une arme sape l’État de droit ». Le Royaume-Uni a réaffirmé son soutien aux libertés fondamentales et au respect des droits humains, y compris le droit de manifester et de se réunir pacifiquement.
Dans ce contexte, nous demandons instamment au gouvernement canadien de prendre des mesures concrètes pour soutenir les défenseurs guatémaltèques des droits humains, conformément aux lignes directrices de Voices at Risk. Nous demandons des éclaircissements sur les mesures spécifiques que votre bureau prendra dans cette affaire afin de respecter l’engagement du Canada à défendre les droits humains et à soutenir les personnes en danger.
Nous sommes prêts à fournir des informations supplémentaires ou à faciliter le contact direct avec nos partenaires guatémaltèques afin que votre bureau soit pleinement informé et équipé pour agir de manière décisive dans cette affaire.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations distinguées,
Americas Policy Group general Assembly
Source: https://www.apg-gopa.com/statementsletters/apg-letter-arrest-of-ancestral-authorities-in-guatemala