14 mars 2025
Monsieur Greg Smith
Président-directeur général d’Equinox Gold
Objet : Menaces contre l’Ejido de Carrizalillo et appel à des négociations respectueuses
Nous, les organisations soussignées, écrivons avec une profonde inquiétude au sujet de l’escalade des tensions, des menaces de violence et des persécutions légales à l’encontre des membres de l’ejido de Carrizalillo et de leurs familles, qui vivent à environ 500 mètres de l’immense chantier de lixiviation de la mine Los Filos d’Equinox Gold, à Guerrero, au Mexique, et dont les terres agricoles sont pratiquement occupées à 100 % par l’exploitation minière.
Outre la perte de terres arables, la communauté a dénoncé la perte irréparable de plus d’une douzaine de sources d’eau et la contamination d’autres, ainsi qu’une augmentation correspondante des effets sur la santé depuis l’installation de la mine en 2007. L’occupation des terres et les accords de partenariat social avec la communauté sont une exigence légale pour l’exploitation de la mine, ainsi que des outils importants à la disposition de la communauté pour compenser les effets de la perte et des dommages causés par la mine. Ces accords expirent le 31 mars de cette année.
Depuis plus d’un an, dans le cadre de la renégociation des accords, votre société a lancé à plusieurs reprises un ultimatum, déclarant que si elle n’obtenait pas les conditions qu’elle souhaite dans les accords renégociés avec Carrizalillo et deux autres communautés, « elle pourrait suspendre ses activités indéfiniment ou jusqu’à ce que de nouveaux accords soient mis en place ». Nous croyons comprendre qu’Equinox cherche à signer des accords à long terme avec une valeur considérablement réduite pour l’ejido de Carrizalillo par rapport aux accords actuels, probablement pour compenser les pertes de Los Filos et justifier de nouveaux investissements. Il n’est toutefois pas certain que les accords conclus avec les communautés soient responsables des pertes subies par l’entreprise à Los Filos au cours des dernières années. Les documents déposés par la société pour 2023 expliquent ces pertes par des problèmes techniques et économiques, notamment la décision de la société de retarder l’investissement dans une nouvelle usine de traitement nécessaire pour obtenir de meilleurs rendements, afin de se concentrer sur la construction de la mine Greenstone, actuellement en exploitation dans l’Ontario.
Cet ultimatum, suivi d’une campagne médiatique de votre entreprise contre l’ejido et en particulier contre les membres de la table ronde agraire, conduit à une situation de forte tension qui met en danger l’intégrité physique et psychologique des villageois de Carrizalillo. La récente rupture des négociations et le refus de l’entreprise de répondre aux demandes de la communauté de réajuster les conditions pour la poursuite des négociations conduisent à une escalade des menaces et de la criminalisation contre Carrizalillo :
– Plus d’une douzaine de dirigeants communautaires, de membres de leur famille et un conseiller communautaire ont reçu des menaces de mort depuis la fin du mois de février.
– L’ultimatum de l’entreprise a été régulièrement repris dans les médias locaux, désignant même les représentants de la communauté comme personnellement responsables de la menace de fermeture de la mine, les exposant ainsi que leurs familles au risque de violence.
– La station de radio « La Filosita », que l’entreprise exploite dans le cadre du projet Los Filos, a diffusé des spots accusant les représentants de Carrizalillo d’entraver les efforts déployés pour parvenir à un nouvel accord, au détriment des travailleurs et des enfants de la communauté.
– Deux hauts responsables d’Equinox Gold, M. André Souza de Amorín, directeur général d’Equinox Gold pour Los Filos, et M. Armando Fausto Ortega, premier vice-président d’Equinox Gold au Mexique, ont récemment effectué une visite surprise à Carrizalillo le samedi 1er mars, réitérant la menace de fermer la mine si Carrizalillo refusait de signer un accord définitif avec l’entreprise ce jour-là.
– L’ejido a tenu Equinox Gold et son responsable social pour Los Filos, M. Hugo Vergara, pour responsables de la campagne de diffamation contre l’ejido et a exprimé à plusieurs reprises son mépris pour la représentation de l’ejido.
Les menaces de mort et la campagne de stigmatisation visant des membres spécifiques et la communauté de Carrizalillo représentent déjà un acte de violence psychologique de la part de l’entreprise, et celle-ci ne peut ignorer le fait que les menaces de mort, qui sont liées aux actions de ses opérateurs, peuvent conduire à de graves actes de violence physique. Il n’est pas moins important que dans ce cas, pour inciter à une confrontation intercommunautaire à travers la campagne de diffamation mise en œuvre, l’entreprise ne tienne pas compte du contexte de violence systémique extrême auquel est confronté le centre du Guerrero, et ignore ou ne comprend pas que l’ejido de Carrizalillo a déjà été confronté au déplacement forcé de la moitié de sa communauté en 2015 et à plus de 60 assassinats au cours des 15 dernières années.
Nous sommes témoins que l’ejido de Carrizalillo n’est pas opposé aux négociations et qu’il a cherché avec vous à reprendre les pourparlers, mais dans le respect, indépendamment de deux autres communautés qui vivent à une distance considérablement plus grande de la mine et qui n’ont pas souffert d’impacts comparables de ses opérations, et également indépendamment des fonctionnaires de l’État de Guerrero, qu’ils ont dénoncés pour avoir indûment fait pression sur eux à la table qui, au lieu d’être une table de négociation, a été, selon eux, une table d’imposition.
L’entreprise a toujours la possibilité de poursuivre ou de cesser ses activités, mais elle doit immédiatement retirer son ultimatum à la communauté et faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à l’implication de son personnel dans des menaces ou d’autres comportements qui pourraient contribuer à des provocations et à des menaces de violence. En outre, nous demandons instamment à l’entreprise de répondre de manière constructive et respectueuse aux demandes de Carrizalillo de reprendre les négociations sur l’occupation des terres et les accords de partenariat social. Si, au contraire, l’entreprise décide de suspendre ou de fermer la mine, elle doit engager des discussions avec la communauté pour déterminer des plans de fermeture appropriés qui prennent en compte les besoins de la communauté.