HomeCommuniquéDes organisations canadiennes appuient l’appel à rejeter le projet de Loi sur la Sécurité intérieure au Mexique

Des organisations canadiennes appuient l’appel à rejeter le projet de Loi sur la Sécurité intérieure au Mexique

Face aux risques associés à l’approbation d’une Loi sur la sécurité intérieure au Mexique, ayant pour principal objectif de légitimer l’intervention de l’armée dans les actions de sécurité publique, le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) de Montréal, Canada, et les organisations partenaires, unissent leurs voix à plusieurs organismes de la société civile mexicaine et internationale pour dénoncer l’atteinte aux droits humains que représenterait l’adoption de la loi.

À l’heure actuelle, tout porte à croire que la stratégie de militarisation implantée par le gouvernement mexicain depuis 2006 est loin d’améliorer la situation des droits humains et a mené à une recrudescence de la violence au pays, avec 213 000 morts et plus de 30 000 disparus en dix ans. Par ailleurs, il existe une documentation abondante de cas de torture, de détentions arbitraires, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par des militaires mexicains depuis le début de cette stratégie. Le taux de violation des droits humains a également atteint des niveaux sans précédent : entre 2006 et 2014, il y a eu plus de 1 273 plaintes pour des actes de torture commis par des militaires.

La stratégie de « guerre » du gouvernement mexicain est hautement préoccupante et normalise l’état d’urgence ainsi que les actions des forces militaires en matière de sécurité publique. Plusieurs dispositions du projet de Loi sur la Sécurité intérieure contreviennent directement à la Constitution politique de l’État mexicain. Nous pouvons mentionner que le projet de loi :

  • habilite l’Armée, la Marine, la Force Aérienne et toute force de sécurité publique fédérale à mener des enquêtes et réaliser des actions de surveillance de la population par «toute méthode de collecte de l’information » sans restriction et sans recours à un juge, violant le respect et la garantie du droit à une procédure régulière, à un procès équitable et du droit à la vie privée, entre autres.
  • prévoit que la documentation sur les actions menées par les forces armées en application de la loi sera considérée comme classée pendant 12 ans pour des raisons de sécurité nationale, sans que des organisations de la société civile, des institutions publiques ou des membres du Congrès puissent avoir accès à cette information;
  • considérant que la loi ne dispose pas d’un caractère d’application spécifique contre le crime organisé, mais contre « qui pose un risque à la nation » (article 3), elle ouvre la voie à l’usage de la force publique, incluant la force létale, contre les manifestations pacifiques des communautés et des mouvements sociaux ;
  • signifie la normalisation d’un régime d’exception où les forces armées se substituent aux forces policières pour assurer la sécurité publique, et où les droits à la liberté d’expression, à la liberté de circulation, aux procédures régulières et à la présomption d’innocence, entre autres, seraient violés ;
  • privilégie des actions de répression et de confrontation contre la population au lieu de miser sur des actions de dialogue et de paix dans les zones et régions affectées par une violence généralisée, par exemple à travers la formation et la capacitation adéquate de la police, et l’appui à des initiatives citoyennes et communautaires pour assurer la sécurité.

Les organisations signataires manifestons notre préoccupation face à l’adoption éventuelle de cette nouvelle Loi sur la Sécurité intérieure, qui ouvre la voie à la répression et à d’éventuels actes de torture et d’assassinats que pourraient commettre le gouvernement mexicain et ses forces militaires, sous prétexte de maintenir l’ordre et la sécurité.

Un pays militarisé démontre une crise institutionnelle profonde. Au Mexique, cela a généré des cas graves de torture, féminicides, assassinats, déplacements forcés, disparitions forcées et de multiples exécutions extrajudiciaires. Nous croyons de la plus haute importance que l’État mexicain opte pour la mise en place de conditions de paix, et non de guerre, pour résoudre la crise sévère des droits humains que connaît actuellement le pays, et respecte l’ensemble des dispositions de la Constitution de l’État mexicain, qui prévoit que les forces armées soient régulées et assujetties au pouvoir exécutif et au contrôle civil.

Nous lançons également à la communauté internationale un appel à dénoncer les violations graves perpétrées par l’État mexicain et ses organes gouvernementaux et à faire pression sur le Mexique pour que soient respectés les multiples traités internationaux en matière de droits humains auxquels ce pays a souscrit.

Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Common Frontiers
CIPO-Vancouver
Colombian Action Solidarity Alliance (CASA)
Migrant Worker’s Dignity Association (MWDA)