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Lula pousse la fée électricité

Le très controversé barrage de Belo Monte verra-t-il le jour ? Mercredi, un juge brésilien de l’Etat du Para a annulé l’appel d’offres pour l’attribution de cet immense marché de plus de 8 milliards d’euros, prévu pour le 20 avril. Il a suspendu aussi la licence autorisant l’ouvrage qui avait été délivrée en février. Le gouvernement de Lula a aussitôt annoncé qu’il ferait appel.

C’est le parquet qui a saisi les tribunaux, redoutant une menace pour l’environnement. D’une capacité de 11 200 mégawatts, l’usine hydraulique de Belo Monte devait être la troisième plus grande au monde, après celle des Trois-Gorges (Chine) et celle d’Itaipu (frontière entre le Brésil et le Paraguay). Prévu sur le Xingu, l’un des principaux affluents de l’Amazone, le barrage inonderait 500 km2 de terre et déplacerait près de 12 000 personnes issues de plusieurs groupes indiens – notamment les Kayapos – asséchant une partie de ce fleuve sacré pour les peuples indigènes (1). Mardi, James Cameron, le réalisateur canadien d’Avatar, s’en était ému et avait appelé le président Lula à renoncer à ce projet.

Le gouvernement brésilien entend au contraire construire d’autres grands barrages en Amazonie. Au mépris des études montrant qu’ils peuvent être plus polluants que des centrales électriques au charbon de même capacité.

Nouvelle frontière. Le bassin amazonien, avec ses fleuves immenses, est en effet devenu la nouvelle frontière de la production électrique au Brésil, où l’hydroélectricité domine. Plus de 60% du potentiel hydroélectrique du pays se trouve dans cet écosystème ultrasensible. «Le potentiel situé ailleurs est déjà quasiment saturé, reconnaît Gilberto Jannuzzi, expert en énergie de l’université de Campinas. Mais il y a des alternatives qui permettraient, sinon de se passer de nouveaux barrages, du moins d’en réduire la nécessité tout en stabilisant nos émissions de CO2.»

«Exportations». Pour cela, poursuit Jannuzzi, «il faudrait ralentir le rythme de la demande d’électricité, par le biais d’une politique d’efficience énergétique, au lieu de se contenter d’augmenter l’offre», comme le fait le gouvernement. En commençant par le plus simple : optimiser la capacité des usines hydrauliques existantes et réduire les pertes d’énergie.

Autre mesure préconisée : exploiter davantage l’énergie éolienne et la biomasse – en particulier la bagasse de canne à sucre -, dont le potentiel est important au Brésil.

Pour Célio Bermann, un expert de l’université de São Paulo, si le Brésil construit de grands barrages en Amazonie, ce n’est pas seulement pour faire face aux besoins croissants d’une population dont les conditions de vie s’améliorent. Il s’agit aussi, selon lui, de satisfaire le marché international. «Six industries absorbent à elles seules 30% de notre consommation d’énergie, fait-il remarquer. Et parmi elles, quatre, dont l’aluminium, sont voués à l’exportation. Si le Brésil produisait des biens à plus haute valeur ajoutée, nous n’aurions pas besoin d’autant d’énergie.»

16/04/2010