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Des entreprises minières canadiennes liées à des faits violents au Mexique

Ville de Mexico – Ces quinze dernières années, six projets miniers opérés par des entreprises canadiennes au Mexique sont reliées à des faits violents : huit personnes sont mortes, deux sont portées disparues, quatorze ont été blessées, trente-cinq ont été emprisonnées et quatre-vingt-trois ont été confrontées à la justice, selon un rapport du Justice and Corporate Accountability Project (JCAP).

Selon le JCAP, quatre compagnies minières sur dix implémentées en Amérique latine sont d’origine canadienne et, entre 2000 et 2015, au moins vingt-huit d’entre elles ont été impliquées dans des cas d’atteintes aux droits humains dans quatorze pays de l’Amérique latine, dont onze pays où il y a eu des morts, à savoir des leaders communautaires et autochtones, victimes d’attaques dirigées, ou encore des militant-e-s, des mineurs, des policiers, gardes de sécurité, des journalistes, avocats ou syndicalistes.

Le rapport informe que durant cette même période, quarante-quatre personnes sont décédées, quinze agressions sexuelles ont été commises, ainsi que des actes de répression violente qui ont blessé au moins 363 personnes – 212 d’entre elles étaient des leaders communautaires opposé-e-s au projet minier – et 709 actes de judiciarisation de l’opposition aux projets ont été rapportés, ce qui a conduit à des poursuites, des détentions et des condamnations.

En se basant sur ce registre, l’organisme a observé une proximité entre les projets, la violence et la criminalisation, ainsi qu’une « complicité possible » des compagnies minières dans le cadre des violations des droits humains. Ces compagnies s’allient avec les gouvernements pour freiner les mouvements de protestation sociale et parfois même, dans certains cas, avec des groupes criminels.

Par exemple, le 7 avril 2015, un commando a attaqué la mine El Gallo 1 de Mocorito, à Sinaloa, et a volé 198 kilos d’or. Deux jours plus tard, Rob McEwen, le directeur de McEwen Mining, a accordé une entrevue à la chaîne canadienne Business News Network, au cours de laquelle il a reconnu que « les cartels y étaient actifs ; (même si) nous avons généralement une bonne relation avec eux ».

Trois jours plus tard, dans une volonté d’étouffer la polémique engendrée par ses déclarations, McEwen s’est rétracté et a présenté ses excuses pour le «malentendu » qui a « créé chez les médias mexicains l’impression totalement erronée que nous étions en contact régulier avec des éléments criminels de leur société ».

Dans son rapport, le JCAP, un regroupement d’avocat-e-s et d’étudiant-e-s en droit qui apportent leur aide dans les communautés affectées par les activités extractives des entreprises canadiennes, a signalé que dans ses rapports d’activités, les compagnies minières ont dissimulé trois des quatre événements qui ont provoqué des décès, ainsi que neuf cas qui ont engendré des blessés, sur dix.

Le JCAP a également observé que lorsque les compagnies minières rapportent un cas violent, elles ont tendance à minimiser la tension sociale générée par l’activité minière. Un des exemples mentionné dans l’étude remonte à octobre 2015, lorsque la police nicaraguayenne a violemment expulsé les membres d’un blocage qui paralysait les opérations de la mine El Limón qui appartient à B2Gold. L’opération a abouti à la mort d’un policier et à trente et un personnes blessées.

Dans un communiqué sur cet évènement, la compagnie a affirmé : « Le gouvernement du Nicaragua a donné les instructions à la police de disperser le blocage illégal, d’incarcérer les responsables pour leurs actions violentes qui ont conduit à la mort d’un policier et qui ont blessé de nombreuses autres personnes, et de rétablir l’ordre civil dans la ville d’El Limón. Le blocage a été dispersé avec succès par la police et les travailleurs ont pu retourner à leurs tâches. ».

Dans certains cas, comme dans celui de Barrick Gold Corporation, la violence va même jusqu’à être considérée comme « faisant partie du business », déplore le JCAP. Dans son dernier rapport annuel, la compagnie reconnaît qu’en implémentant « un certain nombre de mesures et de garanties » dans une filiale sud-africaine, il n’y a aucune garantie que le personnel de sécurité agisse en concordance avec les standards internationaux.

Un des principaux problèmes souligné par le rapport du JCAP se situe dans la responsabilité des compagnies dans la violation des droits humains. En juin dernier, un collectif de 180 organisations non gouvernementales a envoyé une lettre à Justin Trudeau, premier ministre canadien, dans laquelle il l’exhorte à implanter un mécanisme de responsabilité efficace des compagnies minières à l’étranger.

« Dans beaucoup de cas, la compagnie ou l’État implante la loi pour décourager les protestations ou accabler les leaders sociaux qui s’opposent aux activités minières par le biais de procédures légales ou d’emprisonnement », affirme le rapport en rajoutant que selon les nouvelles directives de l’ONU sur les compagnies et les droits humains, les acteurs du secteur privé doivent aller « au-delà » des lois nationales et adopter des codes de conduites conformes aux plus hauts standards internationaux en termes de droits humains.

Le JCAP signale de plus la relative inutilité du Conseil du Corporate Social Responsability (responsabilité sociale des entreprises) et du National Contact Point (NCP), deux instances consultatives qui devraient revoir la conduite des entreprises canadiennes à l’étranger.

Selon l’organisme, le Conseil du Corporate Social Responsability n’a reçu que six plaintes en six années d’existence et le NCP n’a enquêté que sur cinq cas depuis 2011.