HomeCommuniquéDéclaration conjointe des peuples autochtones du Mexique, à l’inauguration de la COP 13 de la Convention sur la diversité biologique

Déclaration conjointe des peuples autochtones du Mexique, à l’inauguration de la COP 13 de la Convention sur la diversité biologique

Source: M4

Déclaration conjointe des peuples autochtones du Mexique, à l’inauguration de la COP 13 de la Convention sur la diversité biologique à Cancun, Quintana Roo, Mexique – 4 décembre 2016, Cancun, Quintana Roo, Mexique

5 décembre 2016

CONSIDÉRANT QUE:

  • La célébration de la treizième Conférence des parties (COP 13) de la Convention sur la diversité biologique, à l’inauguration à Cancun à partir du 4 décembre 2016, se situe dans le contexte mondial d’un modèle extractif prédateur ;
  • L’État mexicain s’est mis au service des grandes entreprises transnationales et d’une soi-disant « économie verte » ;
  • La constante dans les COP passées a été de convertir une assemblée de discussion sur la biodiversité en une foire commerciale et une plateforme de mise en œuvre de projets ;
  • Les projets miniers, éoliens et hydroélectriques, tout comme l’avancement du modèle de la monoculture et de la promotion de l’utilisation d’agrotoxiques, contribuent à la dépossession des terres et des territoires des communautés autochtones et entraînent des violations graves des droits humains et des droits des populations autochtones ;
  • Les entreprises contaminent les sols et les eaux impunément, détruisant le tissu social des communautés autochtones et paysannes, pendant que les défenseurs de l’environnement sont criminalisés ;
  • Les études d’impact environnemental sont truquées pour répondre aux intérêts des grandes entreprises et le droit des communautés autochtones à la consultation préalable, libre et informée n’est pas respecté ;
  • La dépossession des territoires autochtones est également appuyée et promue par les grandes entreprises de l’industrie touristique et par la construction de grands développements immobiliers luxueux ;
  • Les menaces au territoire et à la culture des peuples autochtones s’accompagnent de tromperies, d’opacité, de manipulations de contrats, de violations de contrats agricoles, de promesses de paradis économiques et de discours conservationnistes et de préoccupations à l’égard des changements climatiques qui ne dépassent jamais le niveau des simples discours ;
  • Lorsque ces discours trompeurs ne fonctionnent pas, on a recours à des moyens de pressions sur les populations qui résistent, à travers des déclarations d’universitaires et d’organisations « environnementales » associées au système extractif prédateur, des supposées alarmes de la part des fournisseurs de service et des menaces de retirer des programmes d’appui gouvernementaux, jusqu’à en arriver à des actions violentes des organes de la sécurité et à la mise sur pied de groupes perturbateurs ou paramilitaires parfois associés au crime organisé ;
  • À la dépossession territoriale s’ajoute une privation de la culture et un combat contre l’identité autochtone, sa langue et sa vision du monde ;
  • Le processus de criminalisation des personnes et des communautés qui résistent met en péril constant les défenseurs des biens communs et procède à une répression sélective à l’encontre de quiconque, à travers l’utilisation de son droit légitime, s’oppose à ce système économique mortel.

Les signataires de cette Déclaration, conscients que durant la COP 13 de la Convention sur la diversité biologique il sera question d’enjeux majeurs comme la régulation d’organismes vivants modifiés, la prospection biologique et l’utilisation de la biodiversité par les communautés autochtones, désirons prendre la parole.

Nous sommes des peuples avec une mémoire. Nous n’oublions pas l’expérience du ICBG-Maya (projet de recherche pharmaceutique et d’utilisation durable de la connaissance ethnobotanique et de la biodiversité dans la région maya de Los Altos de Chiapas, Mexique) qui a été opéré par le Colegio de la Frontera Sur (ECOSUR), l’Université de Géorgie avec le soutien financier du gouvernement des États-Unis et de la compagnie de biotechnologique moléculaire Nature Limited de Gales du Royaume-Uni.

L’ICBG-Maya, le plus gros projet de biopiraterie, a été stoppé par la résistance des communautés autochtones et paysannes du Chiapas et le Conseil des organisations des médecins et sages-femmes autochtones traditionnelles de Chiapas (Consejo de Organizaciones de Médicos y Parteras Indígenas Tradicionales de Chiapas – COMPITCH), qui ont mis un terme à ce projet de dépossession. Par contre, nous savons que de nouvelles formes de colonialisme menacent nos territoires et les terres sacrées sur lesquelles nous vivons.

Pour cela,

NOUS DÉCLARONS QUE:

Le patrimoine bioculturel qui est en jeu n’a pas de prix : il est intangible et incommensurable. Nous avons l’obligation morale, éthique et historique de poursuivre sa protection et son utilisation partagée parce qu’il est lié aux processus mêmes de notre vie, processus que nous apprenons de la Terre-Mère et qui sont les fruits de la connaissance ancestrale de nos peuples.

Nous ne sommes pas opposés à la protection de la nature : nous avons été ses protecteurs depuis des milliers d’années. Toutefois, l’imposition des projets mentionnés plus haut, leur mise en place basée sur des pièges et des tromperies et le fait que ce qu’ils signifient réellement pour nos territoires soit  dissimulé nous convainc qu’ils n’ont pas pour objectif la sauvegarde de la biodiversité.

Nous sommes grandement préoccupés par la façon dont se prennent les décisions à la COP 13. Ces décisions peuvent compromettre les biens naturels et mettre à risque les connaissances ancestrales que nous protégeons.

L’élan du projet REED+ (Réduction des émissions de gaz à effet de serre causés par la déforestation et la dégradation des forêts, la conservation et l’augmentation des captures de CO2) met en évidence le manque de volonté à trouver des solutions réelles aux changements climatiques, une des menaces les plus graves contre la vie sur la planète. Nous, les peuples autochtones, ne sommes pas des laboratoires où il est possible d’expérimenter les mécanismes pour atteindre les objectifs de développement durable.

Nous, les peuples autochtones, savons qu’il est nécessaire d’examiner les causes réelles de la perte et de la dégradation de la biodiversité et d’agir sur ces causes-mêmes. Nous voulons continuer à défendre nos territoires, notre culture, notre identité communautaire. Depuis les quatre points cardinaux de la planète, les peuples autochtones gérons nos forêts et territoires, nos montagnes et nos rivières, en respectant et en promulguant la biodiversité, avec des logiques éloignées de l’« économie verte » qui ne cherchent qu’à convertir la Terre-Mère en une marchandise.

Nous sommes engagés pour continuer de rechercher notre souveraineté alimentaire à travers des pratiques propres qui génèrent des aliments d’autoconsommation et nous permettent d’échanger nos excédents sur des marchés locaux. Si nous perdons le contrôle de nos territoires et que nous nous livrons aux entreprises transnationales, nous allons perdre la possibilité de produire nos propres aliments.

Nous n’avons pas perdu la mémoire. Nous disons aux grandes entreprises et à leurs alliés :

« Vous avez mis à mal la nature. L’eau ne vous intéresse pas, ni l’air, ni la vie. La seule chose qui vous intéresse est le profit. Vous avez fait du pétrole la seule source d’énergie, avec comme seul objectif le profit. Ce profit est le même qui se cache derrière votre nouvelle ‘économie verte’. Nous sommes disposés à trouver des solutions aux problèmes que votre économie prédatrice a causé sur toute la planète, mais vous ne pouvez pas échapper à l’énorme responsabilité que vous avez dans la crise climatique actuelle. »

En tant que peuple péninsulaire maya, nous lançons un appel :

Aux autorités, aux organisations civiles et liés à l’agroécologie et à la société en général :

  • Les protocoles de Nagoya et de Carthagène, qui seront discutés en marge de la COP 13, favorisent les entreprises multinationales et la privatisation des biens communs et des connaissances ancestrales.

Dans notre pays, ceux qui dirigent ces projets, les grands « coyotes verts » (CONABIO, l’agence de coopération allemande GIZ, entre autres) ne se sont pas caractérisés par la recherche du bien des peuples et des communautés autochtones, mais par celui des multinationales.

Avec un discours et un processus truqués, la Convention pour la diversité biologique ne nous représente pas. Ses propositions gardent le cap sur un développement sans fin qui est en lui-même prédateur, avec un supposé désir de conserver et sauvegarder la biodiversité. Nous connaissons déjà ce discours. Nous ne les croyons pas.

La vie n’est pas une entreprise ! La Terre Mère, la biodiversité et les biens naturels ne se vendent pas : il faut les aimer et les défendre !

Signataires:

Comunidades y pobladores Mayas de la Peninsula
“Uyits kaa´n” Escuela de Agroecología de Maní Yucatán
Pobladores de Chablekal, Yucatán
Movimiento Reddeldía de Los Montes Azules de Chiapas
Consejo de Organizaciones de Médicos y Parteras Indígenas Tradicionales de Chiapas
Chac-Lol
El Consejo Regional Indígena y Popular de Xpujil

Ont également endossé:

Indignación A.C. (Yucatan, México)
Otros Mundos A.C. / Amigos de La Tierra México
Procesos Integrales para la Autogestión de los Pueblos (PIAP, México)
U Yich Lu’um A.C. (Calakmul, Campeche, México)
Movimiento Mesoamericano contra el Modelo Extractivo Minero (M4)
CEIBA / Amigos de La Tierra Guatemala
COECO-CEIBA / Amigos de La Tierra Costa Rica
Colectivo Voces Ecológicas (COVEC, Panamá)
Haiti Survie / Amigos de La TierraHaiti
CENSAT-Agua Viva / Amigos de La Tierra Colombia
NAT / Amigos de La Tierra Brasil
Amigos de La Tierra Argentina
FOE-US / Amigos de La Tierra Estados Unidos
Red Latinoamericana Contra los Monocultivos de Árboles (RECOMA)
Movimiento mundial por los Bosques tropicales (WRM)
Amigos de la Tierra Internacional